Les erreurs à ne pas commettre face à une telle crise

Quel président n'a pas reçu de lettre anonyme, et ressenti effroi et malaise devant la missive ? Comment faire le tri entre l'information sérieuse et stratégique, et la mauvaise farce ? « Il n'y a pas de recette miracle, répond Éric Denécé, du Centre français de recherche sur le renseignement. Mais il y a des façons de procéder qui peuvent limiter les erreurs grossières. » D'abord, répond André Tarrat, expert en matières de risques non conventionnels dans les entreprises, « il faut avoir en interne des personnes formées au renseignement, capables de valider une information en l'analysant, en la recoupant et en la rapprochant d'autres sources, qu'elles soient humaines, techniques, juridiques, etc. Car il faut savoir que la plupart des lettres anonymes ne sont pas fiables. » « Dotées d'une sorte de paranoïa méthodologique, ces personnes savent déceler la manipulation qui prend souvent des chemins complexes » précise Éric Denécé. Et André Tarrat de poursuivre : « Ces personnes doivent être rattachées directement au plus haut niveau, car c'est leur approche pluridisciplinaire qui leur permet de faire des liens entre les informations, de les mettre en perspective, pour bien évaluer la nature des risques. Pour ne pas faire fausse route, il est clé de se poser dès le départ les bonnes questions, et faire la part entre le conflit de travail et la véritable affaire d'espionnage. »Ensuite, si le soupçon se renforce, faut-il faire appel à des sociétés de renseignement privé pour se procurer les preuves ? « C'est très délicat, répond André Tarrat, il existe une ?zone grise? dans laquelle la frontière entre la légalité et l'illégalité est très floue. Aussi, pour pouvoir utiliser des méthodes illégales, les sociétés de renseignement privées elles-mêmes font appel à des sous-traitants. » Or, précise Éric Denécé, « une chaîne d'intermédiaires est source de distorsions : celui qui fait l'enquête donne des informations au conditionnel. Le donneur d'ordre passe au présent de l'indicatif, chaque étage ayant tendance à renforcer le caractère assertif de l'information pour justifier ses émoluments. Les grandes erreurs naissent d'un enchaînement de minidistorsions. »En tout état de cause, assure André Tarrat, « il ne faut pas confier l'intégralité de l'enquête à une société, car le schéma global de ce que l'on recherche doit rester interne à l'entreprise. »Enfin, il faut alerter la Direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI, la direction du contre-espionnage issue de la fusion des RG et de la DST, dont la mission est précisément de protéger le patrimoine national, dont l'actif immatériel des entreprises. C'est elle qui connaît les vrais réseaux d'espionnage, et sait comment procéder. Quoi qu'il en soit, on ne règle pas une affaire d'espionnage comme un vulgaire problème de gestion : précipitation, pour obtenir des résultats rapides et immédiatement mesurables, et médiatisation sont toujours deux grandes sources d'erreurs. Valérie Segond
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