Affaire d'espionnage : Renault déstabilisé par le doute

Avis de tempête à Boulogne-Billancourt. Si sûre d'elle jusqu'ici, la direction de Renault fait machine arrière. La retentissante affaire d'espionnage, qui bouleverse l'entreprise depuis l'été 2010, n'en serait pas une... « Un certain nombre d'éléments nous amènent à douter », a lâché vendredi Patrick Pélata, directeur général délégué du groupe, au « Figaro ». Il affirme même qu'il est prêt à en tirer « toutes les conséquences ». Une attitude citée par Christine Lagarde, la ministre de l'Économie, qui a parlé de « dignité » ! Marc Laffineur, vice-président UMP de l'Assemblée, va même jusqu'à demander l'éventuelle démission du PDG de Renault, Carlos Ghosn. La mort dans l'âme, Patrick Pélata évoque aujourd'hui la piste d'une « manipulation ». Une hypothèse qui pourrait aboutir à la « réintégration des trois cadres » incriminés, mis à pied en début d'année. Pour l'heure, les investigations de la DCRI (contre-espionnage) n'ont permis de dévoiler « aucune trace d'espionnage », avait révélé récemment à l'AFP une source proche de l'enquête.Comble de l'ironie : c'est par la voiture électrique, programme phare et révolutionnaire de Renault ainsi que de son allié Nissan, que le scandale arrive. En effet, les secrets prétendument pillés au sein de la firme française concernaient essentiellement les futurs véhicules « zéro émission ».Paradoxalement, Patrick Pélata se trouve au centre de la tourmente, alors même qu'il avait été dépêché en 2008 à la tête des opérations du constructeur pour... mettre de l'huile dans les rouages et « humaniser » une entreprise traumatisée par les méthodes de choc de Carlos Ghosn. On se souvient notamment des fameux suicides au Technocentre de Guyancourt, liés à un niveau de stress alors jugé insupportable. Sa mission, Patrick Pélata l'a d'ailleurs réussie, réconciliant une firme à la culture d'entreprise forte, passionnelle, politique en raison de ses liens avec l'État, et une nécessaire mondialisation. L'homme, simple, direct, courtois, est en effet apprécié en interne pour sa compétence et son... humanité.Principal dangerLa question est sur toutes les lèvres : tombera, tombera pas ? « La démission de Patrick Pélata n'est pas du tout évoquée en interne », nous affirme une source haut placée. « On attend les conclusions définitives de l'enquête, qui devraient intervenir d'ici à quelques mois. Il n'y a aucune raison pour que Patrick Pélata parte éventuellement d'ici là », assure-t-on au sein de l'entreprise. Pourtant, sa position est fortement ébranlée. En effet, tout ce qui touche Renault a une résonance immédiate au plus haut niveau du gouvernement. Carlos Ghosn n'avait-il pas été convoqué à l'Élysée, début 2010, suite à un article de « La Tribune » évoquant la délocalisation de la prochaine Clio ? L'entreprise est en ligne de mire. Les pouvoirs publics ne laisseront rien passer à ses dirigeants. C'est le principal danger pour Patrick Pélata. Comme s'ils devaient se faire pardonner d'avoir laissé Renault réduire ses activités en France... sans que l'État actionnaire s'en soit rendu compte.
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