Le double jeu de la BCE aiguillonne l'euro

En préannonçant la première hausse de ses taux depuis l'été 2008 pour le 7 avril prochain à l'issue de son conseil de la semaine passée, la Banque centrale européenne a mis les « ours » sur l'euro - les vendeurs - en hibernation forcée. Il y a tout juste deux mois, ils avaient lancé la charge, faisant retomber la monnaie unique en dessous de 1,30 dollar, alors mus par la volonté de lui faire à nouveau tester ses points bas de l'été précédent à moins de 1,20. Voila maintenant que l'euro s'attaque à la barre de 1,40 dollar, même s'il ne l'a franchi que momentanément à la veille du week-end, pour se négocier à ses plus hauts niveaux depuis quatre mois.Message subliminalLe retour des « taureaux » - les acheteurs - tient au hiatus de plus en plus en plus marqué entre les prises de position de la BCE et celles de la Réserve fédérale américaine, qui en est encore à tergiverser sur la possible extension de son programme de rachat d'emprunts d'État tout en évoquant le maintien de taux exceptionnellement bas pendant une période prolongée. C'était l'un des messages délivrés par Ben Bernanke lors de son audition devant le Congrès la semaine dernière, au moment où son homologue de la zone euro, Jean-Claude Trichet, durcit franchement le ton. Pour des investisseurs en quête de rendements, il n'y a donc pas d'état d'âmes à avoir : dans un mois le dollar offrira toujours une rémunération nulle alors que celle de l'euro passera de 1 % à 1,25 %. Il n'empêche que les motivations ayant présidé à la programmation d'une hausse des taux de la BCE dès avril, bien avant la date anticipée par les économistes et les marchés, n'ont pas fini d'intriguer. Certes, la BCE veut prouver sa crédibilité en tant que gardienne de la stabilité des prix dans un contexte où la résurgence de l'inflation devient préoccupante. Mais Gilles Moec, le spécialiste de l'Europe à la Deutsche Bank avance une autre explication. La BCE lancerait par ce biais un message subliminal aux responsables politiques de la zone euro, qui ne parviennent pas à se mettre en ordre de bataille pour élargir le rôle de Fonds de stabilité financière et trouver une solution globale à la crise de la dette souveraine dans la zone euro. Ce message peut se résumer ainsi : nous voulons bien continuer à faire la police sur le marché obligataire, que la banque centrale souhaiterait voir tomber dans l'escarcelle de la Commission européenne, mais ne comptez pas sur nous pour être laxiste sur le front de l'inflation. La BCE est en effet contrainte de prolonger ses mesures non conventionnelles de soutien aux banques et aux souverains de la zone euro, explique Gilles Moec, et compense par une hausse des taux la perte de crédibilité que lui fait encourir l'obligation dans laquelle elle se retrouve de jouer les prolongations.
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