J'ai rencontré des salariés heureux

Non, ce n'est pas un poisson d'avril?! D'ailleurs, un 7 avril, ce serait une faute professionnelle. Mais par les temps qui courent, avouez que voir des salariés bien dans leur peau nous laisse ébahis. Surtout que cela se passe dans l'hôtellerie, secteur peu réputé pour sa douceur de vivre au travail. Ils travaillent au Gray d'Albion à Cannes. Alors que son voisin, le Majestic, appartenant au même Groupe Barrière, dépensait 80?millions d'euros pour se refaire une beauté, il n'avait lui qu'une enveloppe de 7 millions à se mettre sous la dent. Le décorateur en avait annoncé pas moins de 15 pour le remettre au goût du jour ! Qu'à cela ne tienne... Le directeur, François Portiglia, est allé prendre l'inspiration chez son prestigieux cousin et, passionné de décoration, a proposé à son personnel de retrousser ses manches. De la femme de chambre au voiturier, les volontaires ont reçu une formation de carreleur, d'ébénisterie, de pose de moquette, de peinture, selon leurs aptitudes et surtout leurs envies. Le résultat est spectaculaire. Mais surtout, il a développé chez les salariés un sentiment de fierté hors du commun, presque un instinct de propriété. C'est d'ailleurs quasi une constante des établissements du groupe Barrière ? appartenant pour 51?% à la Famille Desseigne ? d'avoir cet esprit de bon père de famille. Au Majestic, les concierges s'y succèdent sur deux, voire trois générations. Quant à Dominique Desseigne, le PDG, la soixantaine flamboyante, il arpente en short les couloirs de ses établissements sans rechigner à pousser une commode, à remettre en place un voilage, etc. Alors, me direz-vous : «?c'est facile ! C'est l'hôtellerie. Chez nous, dans notre business, on ne peut pas faire pareil ». Pas si sûr?: l'innovation est toujours à portée de main pour peu que l'on écoute, et surtout que l'on fasse confiance. Un autre patron aurait pu s'opposer à ce type d'initiative craignant un résultat bas de gamme. Et préférer faire confiance à des « pros ». Le directeur aurait pu se taire, ne rien proposer, laisser sa direction gérer. L'histoire raconte une mise en mouvement, une action collective qui génère fierté et sentiment d'appartenance. L'immense satisfaction de se sentir utile, à sa place, d'oeuvrer pour le bien commun, celui de l'entreprise et de ses clients. Or, trop souvent aujourd'hui, c'est l'action qui est empêchée. Lorsque celle-ci est inefficace ou interdite, lorsque la fuite ou la lutte sont impossibles, les tensions s'installent, le sentiment d'impuissance grandit. Le stress le plus redoutable, c'est le stress intérieur, celui qui ronge et mine celui qui aimerait faire, mais qui en est empêché. L'hyperationalité souvent aux commandes dans les entreprises traduit une résistance au changement. C'est une variante de la maîtrise absolue ? elle aussi mère de tous les vices en management ? reposant sur la peur de l'avenir et qui trahit le manque de confiance en soi. Si l'initiative du groupe Barrière n'est pas reproductible en tant que telle, elle reste à méditer. nL'impossible reculedevant celui qui avance », Ella Maillart, écrivain.
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