La fausse mue des héritiers de Margaret Thatcher

Des piles d'enveloppes à envoyer s'amoncellent sur la table, où trônent des ordinateurs hors d'âge. Dans cette ambiance d'association désargentée, une quarantaine de personnes sont réunies, pour écouter l'orateur du jour.Le local du Parti conservateur d'Islington, quartier des classes moyennes du nord de Londres, ne paie pas de mine. Mais ses participants ont de l'énergie à revendre, tant ils croient à portée de main la victoire de leur camp. Certains, à l'instar de David Viani, 27 ans, sont des caricatures involontaires des tories : blazer bleu marine et boutons dorés, pantalon beige, accent pincé.Pourtant, l'image des tories héritée des années Thatcher a sensiblement changé. Nicolas Clark, 25 ans, est un jeune conservateur, clairement ambitieux... et proeuropéen, contrairement à la majorité de son parti. Richard Bunting, 37 ans, est certes banquier mais il vient de Manchester. Plus intéressant encore, les deux candidats à la députation (Islington est coupé en deux circonscriptions) sont une femme, Antonia Cox, et un handicapé, Adrian Berrill-Cox. Bloqué dans son fauteuil roulant par une maladie musculaire, ce dernier est catégorique : « Je n'aurais jamais pu être candidat il y a trente ans. » Thatchériste convaincu, cet avocat d'affaires a observé la mue des conservateurs sous l'impulsion de David Cameron. « Il y a trois ans, je me suis dit que le parti était prêt pour moi. » Ce fut en effet le premier chantier de David Cameron en arrivant à la tête des tories fin 2005 : changer son image de « méchant parti », peu ouvert aux minorités, aux femmes ou aux homosexuels. Pour y parvenir, le nouveau patron des conservateurs a dressé une « liste A » de candidats potentiels idéaux, chargés de rééquilibrer les tories.Selon Tim Bale, de l'université de Sussex (voir interview ci-contre), environ 50 femmes, et 8 à 10 personnes issues des minorités ethniques, pourraient être élues députés conservateurs le 6 mai prochain. En comparaison, les travaillistes ne comptent actuellement que 17 femmes députées et 2 issues des minorités. De même, le nombre d'homosexuels devrait doubler, pour atteindre 6 ou 7 élus.Mais la révolution s'est arrêtée en cours de chemin. Et les changements du Parti conservateur restent cosmétiques. Les militants ont en effet résisté à la « liste A », préférant choisir des candidats locaux. Si Antonia Cox et Adrian Berrill-Cox ont bien été sélectionnés, ils se présentent dans des circonscriptions «ingagnables». Dans celles susceptibles de basculer à droite, les trois quarts des candidats sont des hommes et 40 % ont été éduqués dans des écoles privées, comparés à 7 % pour l'ensemble de la population britannique.À Brighton, charmante petite ville du sud de l'Angleterre, Simon Kirby en est l'exemple type. Ce candidat conservateur, dans une circonscription que les tories doivent absolument remporter s'ils veulent arriver au pouvoir, est un ancien entrepreneur. Il employait plus de 500 personnes, avant de vendre son entreprise en 2001.À 45 ans, ce père de six enfants incarne la nouvelle génération des tories. « C'est un moment formidable pour être conservateur : David Cameron a transformé le parti pour le rendre éligible. »C'est l'une des ritournelles des militants : ils ne sont guère enthousiastes face aux changements du Parti conservateur, mais reconnaissent que c'était nécessaire pour se faire accepter du grand public. « Nos valeurs fondamentales n'ont pas changé, mais nous avons modernisé notre message », estime Sue Holland, une militante qui aide Simon Kirby dans sa campagne électorale.Éric Albert, à Brighton et Londre
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