Les banques centrales sont trop dépendantes des agences de notation »

Les agences de notation ont réussi, jusqu'à présent, à passer entre les mailles du filet de la future régulation. Mais la vague de critiques visant une influence jugée aussi excessive que néfaste ne faiblit pas pour autant. Au contraire, les débats sur la notation du risque souverain - et ses conséquences sur les politiques budgétaires des pays - ont mis en lumière une toute puissance jusqu'ici insoupçonnée qui terrorise désormais les gouvernements et... inquiète des banquiers centraux. Bref, les grands argentiers se sentent pieds et mains liés devant des entreprises privées qui n'ont pas, ô horreur, le sens de l'État.Le très prudent Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, s'en est même ému, mardi dernier, lors d'une conférence de la Bank of Korea à Séoul. « Les banques centrales sont trop dépendantes des agences de notation », a-t-il déclaré en soulignant que cette situation était « totalement insatisfaisante ». Ce demi-aveu peut surprendre. « Ce sont les banquiers centraux eux-mêmes qui ont organisé cette dépendance, inscrite dans les statuts de la BCE », rappelle Catherine Gerst, associée chez Citigate et ancienne responsable de Moody's France, avant de souligner « l'importance donnée aux agences par les régulateurs dans les mécanismes prudentiels des banques », lors du scandale Enron?!De cette responsabilité, les agences de notation ne voulaient d'ailleurs pas, craignant à l'époque, à juste titre, de servir de bouc émissaire en cas de crise. « Les régulateurs n'ont cessé d'intégrer la notation dans les réglementations ou les contraintes prudentielles faisant ainsi jouer aux agences un rôle de régulateur qu'elles ne sauraient assumer », confirme Steve Ohana, professeur de finance à l'ESCP Europe. Pour lui, pas de doute, les agences ne peuvent être indépendantes des marchés?: elles y sont « totalement immergées et répondent avant tout aux besoins des clients qui les font vivre ». Et, sans nier leur rôle économique vital, dans la mesure où elles permettent de mutualiser le coût d'une recherche sophistiquée - chaque agence aligne 1.200 à 1.300 analystes -, Steve Ohana rappelle une évidence?: ce sont des acteurs privés qui poursuivent des intérêts privés.Dans ce contexte, chacun aujourd'hui entame la danse du scalp sans vraiment savoir quoi faire, ni proposer de solutions franchement convaincantes à une situation qui pose, il est vrai, de nombreuses questions. L'économiste Nicolas Véron, du centre Bruegel, suggère aux banques centrales de se doter de leur propre expertise de notation. « Il ne s'agirait pas de substituer la BCE aux agences de notation, précise-t-il, mais de permettre à la banque centrale de se forger sa propre opinion et d'ajuster sa politique en conséquence. »C'est peut-être le sens du propos de Christian Noyer. Mais, nuance Catherine Gerst, « cette solution n'évitera pas la question des conflits entre pays au sein de l'institution lorsqu'il s'agira de dégrader une note sur une dette souveraine ». Toutefois, les réflexions avancent. Déjà, aux États-Unis, la Réserve fédérale avait annoncé qu'elle entendait revoir son utilisation des notations. C'est un premier signe d'une certaine remise en cause de la sacro-sainte notation. nAnalyse Éric benhamou Éditorialiste à « La Tribune »Chaque semaine, « La Tribune » décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.
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