Vent porteur pour les obligations d'État socialement responsables

Après s'être massivement tournés vers le monétaire en 2009 pour sécuriser la gestion de leurs fonds propres, les investisseurs institutionnels européens pourraient privilégier cette année les obligations souveraines. C'est ce qui ressort d'une récente enquête du cabinet Mercer. D'après celle-ci, 27 % des fonds de pension et des institutions de retraite européens (hors Royaume-Uni) ont affirmé en début d'année leur volonté d'augmenter leur exposition aux emprunts d'État, et 12 % des fonds de pension britanniques ont la même intention.Cette nouvelle stratégie pourrait profiter aux obligations souveraines ISR (s'intégrant dans un investissement socialement responsable), sélectionnées sur la base d'une analyse financière et extra-financière. « La crise économique nous montre l'importance de la prise en compte de critères ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance] dans la notation crédit des États, souligne Dominique Blanc, responsable du centre de recherche ISR de Novethic. Grâce à eux, certaines sociétés de gestion, comme Petercam, ont été alertées dès 2008 sur les problèmes de gouvernance de la Grèce. Elles ont ainsi été les premières à se désengager des obligations émises par l'État grec. » Et les investisseurs craignent aujourd'hui que cette situation se reproduise avec un autre pays d'Europe. Trouver les bons soutiensDe manière générale, le contexte actuel plaide pour une prise en compte des critères ESG. « De plus en plus de pays émergents font appel aux marchés pour se financer, souligne Antoine Bernard, directeur exécutif de la Fédération international des ligues des droits de l'Homme qui a élaboré, dès 2001, une méthodologie en matière de notation extra-financière des États. Dans ce contexte, les États européens ont tout intérêt à donner une bonne image d'eux-mêmes en effectuant des efforts en matière de respect des droits de l'Homme, mais aussi de l'environnement et en faisant preuve de transparence sur leur gouvernance. » Cependant, ce contexte ne pourra pas à lui seul provoquer un essor de l'ISR souverain. Ce dernier aura besoin du soutien des agences de notation et des sociétés de gestion, mais pas seulement.Les institutionnels peuvent jouer un rôle déterminant car ils représentent 69 % du marché de l'ISR en France et parce qu'ils ont, par ailleurs, l'habitude de réserver une part importante de leur portefeuille aux obligations d'État (41 % à 70 % selon le type d'institutionnel, d'après les chiffres 2008 de l'Af2i). Cette classe d'actifs présente l'avantage de leur offrir un maximum de sécurité sur le long terme et de leur permettre ainsi d'honorer leurs contraintes de passif.Malgré cette disposition favorable à l'égard de l'ISR et des obligations souveraines, les institutionnels ont eu tendance à bouder l'ISR souverain et même à le critiquer (lire ci-contre). En réalité, beaucoup ne sont pas prêt à mener, pendant plusieurs mois, une réflexion en interne pour établir leur propre notation extra-financière. En effet, à partir des notes fournies par les agences spécialisées (comme Vigeo ou Oekom), les institutionnels doivent choisir les critères ESG qu'ils souhaitent mettre en avant en fonction de leurs propres convictions. Jusqu'à présent, seul l'ERAFP (Établissement pour la retraite additionnelle de la fonction publique) a réalisé un tel travail dès 2005 et investi massivement dans les obligations d'État ISR. Cependant, Novethic a noté, ces derniers mois, quelques signes encourageants. « CNP Assurances a intégré récemment un critère de lutte contre la corruption dans la sélection de ses obligations souveraines, rapporte Dominique Blanc. C'est une démarche importante car elle vise à être progressivement généralisée à l'ensemble des fonds en euros et des fonds propres de CNP Assurances, représentant au total un encours de 220 milliards d'euros. » De même, Fédéris Gestion d'Actifs (société de gestion dédiée au groupe Malakoff Médéric) a décidé de sélectionner ses titres en privilégiant le critère « respect de l'environnement » dans l'analyse extra-financière des États émetteurs d'obligations.Créer ses propres outilsMais l'essor futur de l'ISR souverain dépendra aussi du comportement des sociétés de gestion. Ces dernières disposent depuis cinq ans des données fournies par les agences de notation. Pourtant, rares sont celles à avoir développé leurs propres outils. « Elles ont jusqu'à présent privilégié, en interne, l'analyse extra-financière des entreprises et peu celle des États, regrette Dominique Blanc. Leurs bureaux de recherche doivent aujourd'hui travailler dans ce domaine pour apporter la preuve aux investisseurs qu'il existe, sur le long terme, une corrélation entre la notation extra-financière d'un État et sa notation crédit. » Un tel constat conduirait les gouvernements à dialoguer avec les investisseurs. « L'Agence France Trésor se montre d'ores et déjà ouverte aux questions des investisseurs, reste pour ces derniers à aborder les enjeux extra-financiers », insiste Dominique Blanc. À l'avenir, les gouvernements pourraient se financer et soigner leur image en émettant, par exemple, des obligations pour promouvoir des projets de développement des énergies renouvelables.
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