« Claude Allègre n'élève pas le débat, il le nie »

Vous rentrez d'une expédition au cours de laquelle vous avez survolé le Pôle Nord. Qu'avez-vous constaté ? L'Arctique est la région qui est la plus touchée au monde par le réchauffement climatique. La banquise se réduit en épaisseur et en surface. Elle se brise de plus en plus et les zones d'eaux libres d'eaux libres se multiplient. Ces zones foncées absorbent la lumière solaire alors qu'elles la réfléchissaient quand elles étaient blanches. Plus elles absorbent la lumière, plus la banquise fond et le processus s'emballe. C'est un cercle vicieux. En l'espace de 60 ans, la température y a progressé de 2 °C. En comparaison, la température moyenne sur la Terre a augmenté de 0,8°C en un siècle. Donc l'ouverture de nouvelles routes commerciales se précise.Le tourisme bénéficie actuellement de la fonte de la banquise, avec des voies navigables qui s'ouvrent pendant la période estivale. En termes de navigation commerciale, les perspectives sont moins claires. La banquise sera présente encore pendant longtemps. Par ailleurs ces zones sont mal cartographiées et pour les traverser il faudrait des bateaux renforcés pour affronter la glace. Les équipages devraient avoir des qualifications spécifiques. Faire naviguer les bateaux dans ces conditions entraînerait une dépense d'énergie et un coût considérables. Pour être exploitées, les nouvelles voies maritimes demanderaient des investissements très importants. Ce n'est pas pour demain. En revanche la fonte de la banquise ouvre de nouveaux champs de pêche.Et quelles sont les conséquences climatiques de la fonte de la banquises ? Ce qui se passe dans l'Arctique concerne tout l'hémisphère Nord et donc la planète. La machine climatique repose sur un équilibre entre la chaleur tropicale et le froid des pôles. La Terre tend spontanément vers un équilibre qui passe par un échange entre la chaleur tropicale et le froid polaire. Mais à présent, le froid faiblit au pôle Nord et nous allons vers un excédent de chaleur dans l'hémisphère Nord. Ce dérèglement est lié à une augmentation des émissions de gaz carbonique et de l'effet de serre. C'est comme si nous laissions ouverte la porte du frigo. Les climato-sceptiques ont donc tort ?La température a augmenté de 0,8°C en un siècle. C'est une valeur scientifique. En médecine, une telle hausse de température constitue une petite fièvre, qui n'est pas forcément perceptible mais permet de diagnostiquer qu'une personne couve une maladie. C'est ce qui arrive à la Terre. Elle couve une maladie. Les taux de dioxyde de carbone et de méthane ont augmenté très rapidement depuis le début de l'ère industrielle. On ne peut pas nier le réchauffement climatique. Ce groupe de climato-sceptiques s'est constitué sur la base d'enjeux financiers. Que voulez-vous dire ? Les sciences de la Terre, la géologie, ont été soutenues par des contrats de recherche avec les compagnies pétrolières. Mais aujourd'hui, l'intérêt s'est déplacé sur une autre science, la climatologie, qui est toute neuve. Elle est une synthèse de plusieurs approches, mais elle est en vogue et draine les budgets. Cela fait peut-être partie de l'irritation de Claude Allègre, qui a été directeur de l'Institut de géophysique du globe. Il n'élève pas le débat, il le nie. Mais son discours ne dépasse pas le département français.Le réchauffement climatique est-il devenu un nouveau dogme ? La notion du climat est aujourd'hui biaisée car elle est tombée dans le débat populaire et des populistes s'en sont saisis pour la réduire à une question de perception de chaleur alors que cette notion relève d'une discussion scientifique de haut niveau. Il ne faut pas cantonner le débat à des histoires de météo. Les pouvoirs politiques sont dans une situation inconfortable entre une opinion publique qui réclame une action contre le réchauffement annoncé et une quasi-impossibilité de répondre pour l'instant à la demande énergétique avec des énergies non carbonées. Si les énergies renouvelables pouvaient satisfaire 20 % de la demande énergétique, le problème se poserait autrement. Mais les technologies manquent. C'est l'équation du siècle : comment va t-on réussir à passer en quelques décennies de 85 % de dépendance au pétrole, au gaz et au charbon à d'autres énergies. Pour parvenir à ces 20% d'énergies non carbonées il faudrait que les gens ressentent vraiment le danger du réchauffement. Il y a urgence ?Il y a une urgence énergétique. Les pays du Sud ont un besoin croissant d'énergie pour assurer leur développement. D'ailleurs les Chinois se sont mis à fond dans les nouvelles énergies grâce au solaire, à l'éolien, à la pile à combustible, etc. Chez nous, l'approche des énergies renouvelables est très homéopathique. La R&D dans les énergies renouvelables est encore insuffisante. Si Obama était arrivé à Copenhague en décembre dernier avec une pile à combustible magique et des panneaux solaires hyperperformants en disant : « On va pouvoir satisfaire 20 % de nos besoins d'énergies fossiles par d'autres énergies », la planète aurait suivi ». Il faut réveiller les nations autour de la renaissance énergétique. Il y a des perspectives énormes dans l'énergie pour les générations à venir. Le premier bras de levier efficace sur lesquels on peut agir très vite, ce sont les économies d'énergie dans l'habitat et les transports. À un niveau personnel, des progrès peuvent déjà être faits en optant pour une vie moins dispendieuse, plus sobre.
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