« Aucune génération n'a connu un tel niveau de corruption »

Mikhaïl Kassianov, ancien premier ministre russeInvestir en Russie reste une initiative périlleuse même si elle peut s'avérer très profitable. Administration tatillonne, justice instrumentalisée, chefs d'entreprises mis au pas, corruption... Vladimir Poutine s'est efforcé lors d'un forum économique intitulé « L'appel de la Russie » de rassurer des milieux d'affaires hantés par le démantèlement de Ioukos en 2003 et l'arbitraire du procès de son patron Mikhaïl Khodorkovski.Alors que ce dernier, déjà condamné à huit ans de prison, attend l'issue de son deuxième procès, le Premier ministre russe a à nouveau qualifié de « cas particulier » l'affaire Ioukos. Un point de vue vigoureusement contesté par l'ex-Premier ministre de Boris Eltsine Mikhaïl Kassianov de passage à Paris où il a rencontré le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner.« Vladimir Poutine ne veut pas de voix indépendante, explique-t-il à « La Tribune ». Ce procès illustre le manque d'indépendance de la justice en Russie. » Mikhaïl Khodorkovski a été condamné pour avoir localisé une partie des profits de Ioukos dans une zone franche de la Fédération de Russie. « C'est mon gouvernement qui a fait évolué la législation en janvier 2004 pour fermer cette faille juridique. Mais jusqu'en 2003, ces montages étaient parfaitement légaux », affirme Mikhaïl Kassianov. L'ex-Premier ministre, qui n'a pas pu participer à la dernière élection présidentielle malgré le soutien de plus de 2 millions de signatures, estime qu' « aucune génération russe n'a connu un tel niveau de corruption ». Les efforts du président Dmitri Medvedev en la matière sont, selon lui, voués à l'échec. « Pour lutter contre la corruption, il faut accepter que la presse et la société civile soient libres et que de réelles institutions démocratiques existent. » La Russie occupe la 146e place, sur 180 pays, du classement de l'ONG Transparency international sur la corruption. Si la Russie a renoué avec la croissance après une sévère récession, « cela tient uniquement à la remontée des cours du pétrole. La dépendance de l'économie aux hydrocarbures n'a fait que s'aggraver au cours des dix dernières années ». L'ancien Premier ministre, entré résolument dans l'opposition, regrette la complaisance de Paris à l'égard de Moscou. « Si quelques choses de contraire aux valeurs de la France se produisent dans le monde, elle ne devrait pas fermer les yeux. » Propos recueillis par Xavier Harel
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