À la France, Depardon reconnaissant

Un jour de juillet 1999, à Turin, il a été pris d'une idée aussi folle que pressante?: photographier la France. Pas celle des grandes villes et des touristes. Plutôt celle « du Tour (...), des ronds-points et des villages ou moyennes villes », explique Raymond Depardon. Cette France d'où il vient, lui le fils de la ferme du Garet (Haute-Saône), monté à Paris en 1958, à l'âge de 16 ans, pour assouvir sa passion de la photographie. Lancé en 2004, le projet de Depardon aboutit aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de France en une formidable et radicale exposition qui plonge le spectateur au coeur de l'Hexagone.Les choses n'avaient pourtant pas si bien commencé. Première étape, le Nord-Pas-de-Calais. C'est là que le photographe se décide pour un travail à la chambre, en couleur, et un refus du pittoresque. Un an plus tard, ses premières images sont présentées à Lille. Incompréhension totale. Les habitants de la région ne comprennent pas que Depardon ait photographié ce qu'il y a - à leurs yeux - de plus banal.Ce qui intéresse ce dernier, justement, c'est le bar-tabac-presse-PMU que l'on trouve dans toutes les villes de France, l'école communale, le garage du coin, les murs d'affiches appelant à manifester. Bref, tous ces lieux qui font notre quotidien, notre histoire commune. Qui font la France. « Les Français n'ont pas envie de connaître leur territoire, souffle le photographe. Mais on ne peut pas l'abandonner aux extrêmes. » Comme s'il avait pressenti, des années auparavant, le débat sur l'identité nationale.Art documentaireAu final, son périple a duré cinq ans. Des 300 photos prises (toutes regroupées au sein d'un ouvrage, « la France de Raymond Depardon », coédition BNF-Le Seuil, 59 euros), seules 36 ont été retenues pour l'exposition. Elles ont été tirées en très grand format et présentées en une installation dans une grande salle, serrées les unes contre les autres, sans aucune explication. Ce qui compte, ici, c'est de se laisser immerger.On pourrait passer des heures à les regarder. Car chacune ressemble à un tableau, fourmillant de détails, fascinant par ses jeux de couleurs. Ensuite, Depardon nous explique comment il a travaillé. À y regarder de plus près, on se dit que l'exposition ressemble à cet homme qui ne cesse de repenser l'image documentaire. Il livre là un travail ambitieux, sans concession. Elle a de la chance, la France, d'avoir un tel photographe.
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