La France peut-elle tourner le dos à la mondialisation ?

C\'est une partie importante qui se joue à Bruxelles ces 7 et 8 février à l\'occasion du Conseil Européen. La Commission Européenne va en effet proposer aux pays membres de l\'Union une stratégie ambitieuse en matière de commerce et d\'investissements internationaux pour favoriser la croissance et l\'emploi. Intervenant au sortir de la crise de la dette des Etats et dans une période de forte morosité économique (l\'économie de la zone Euro s\'est contractée de 0,4% au cours de l\'année 2012), cette stratégie vise à donner à l\'Union Européenne une perspective claire en matière d\'échanges commerciaux à l\'international et plus largement à inscrire pleinement l\'Europe dans la mondialisation.Alors que les négociations multilatérales dans le cadre de l\'OMC patinent, la principale mesure proposée par la Commission repose sur une mise en place étendue du principe de réciprocité, par le biais d\'accords bilatéraux de libre-échange assurant des conditions de concurrence équitables. Cette mesure concerne au premier chef le lancement des accords de libre-échange avec les Etats-Unis et le Japon, indispensables en termes commerciaux mais également stratégiques pour peser face à la montée en puissance de la Chine. Elle vise aussi à obtenir une véritable ouverture réciproque des marchés avec l\'Inde, qui constituerait une avancée majeure dans les coopérations avec les grands pays émergents. Les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) et les Civets (Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie, Afrique du Sud) sont également intégrés dans l\'agenda des négociations.Une fois ce programme d\'accords bilatéraux achevé, deux tiers des échanges extérieurs de l\'Union Européenne devraient ainsi être couverts. Ces dispositions feraient de la politique commerciale de l\'Union Européenne la plus ambitieuse du monde d\'aujourd\'hui. Elles pourraient doper la croissance de l\'Europe de plus de 2% et supporter la création d\'environ deux millions d\'emplois.A l\'heure où les positions de la très grande majorité des pays de l\'Union Européenne devraient converger avec les propositions de la Commission, la France peut-elle rester à l\'écart ? Alors que les positions respectives de chaque pays sont connues, il est à ce jour difficile de savoir quelle sera celle des dirigeants français face à ces propositions.Contrairement à ses principaux partenaires européens, et notamment l\'Allemagne, l\'Etat français doit en effet composer avec le double handicap d\'un déficit abyssal de son commerce extérieur (69,6 milliards d\'euros en 2011, et probablement au dessus des 60 milliards en 2012) et d\'une perte significative de compétitivité de ses entreprises industrielles au cours des dernières années en raison de ses difficultés récurrentes d\'ajustement. Ces contraintes poussent une part significative de l\'opinion publique comme de la classe politique à considérer la mondialisation et son corolaire, le libre-échange, comme les principaux responsables des difficultés économiques actuelles : l\'ouverture des frontières aux produits des pays émergents aurait certes bénéficié au consommateur européen, mais, selon ses détracteurs, au détriment de l\'industrie européenne, sans que celle-ci ait pu en contrepartie bénéficier de la réciprocité.Ainsi, le courant protectionniste qui, dans la continuité du rapport Arthuis de 1993 sur les délocalisations, n\'a jamais cessé d\'influencer les politiques françaises, prend une ampleur nouvelle. Médiatisé par la désormais célèbre marinière du Ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, ce courant prône un renforcement des barrières tarifaires et non tarifaires, ainsi qu\'une préférence donnée aux produits issus de l\'industrie nationale. Cette tentation du repli sur soi est symptomatique du malaise de la France face à la mondialisation. Comme le constatait dans une récente tribune la Ministre du Commerce Extérieur, Nicole Bricq, « la France n\'a pas trouvé sa place dans la mondialisation ». Cette dernière amène en effet à appréhender les échanges commerciaux sous un angle nouveau, dans lequel la seule dimension export ne suffit plus ; les pays émergents aspirant également à produire, dans des logiques de partage de la chaine de valeur en fonction des compétences distinctives de chacun.En parallèle, la France doit rester ouverte aux investissements étrangers, qui contribuent largement à la création de richesses sur le territoire national ainsi qu\'à ses propres exportations. Cela implique nécessairement une approche fondée sur la réciprocité, telle qu\'elle est proposée par la Commission. Les convergences de vue entre la stratégie présentée le 3 décembre dernier par Nicole Bricq dans ses priorités pour l\'export et les propositions de la Commission Européenne sont manifestes. La volonté française d\'aller à la conquête de 35 pays hors Union Européenne serait ainsi grandement favorisée par la stratégie commerciale proposée. Qu\'il s\'agisse de l\'Inde, des pays de l\'ASEAN et plus encore du Canada, des Etats-Unis et du Japon, cette stratégie de conquête serait facilitée par les accords bilatéraux passés avec l\'Union Européenne, qui favorisent le libre-échange et la réciprocité, y compris en matière d\'accès aux marchés publics. Le quart des exportations françaises vers ces pays bénéficie déjà de conditions préférentielles sur ces marchés. Comme l\'a souligné Karel de Gucht, Commissaire européen en charge du commerce, lors de son audition devant l\'Assemblée Nationale le 24 janvier dernier, à terme ce sont les trois quarts des exportations françaises qui pourraient profiter de telles conditions.Confrontés à la multiplication des plans sociaux et à un commerce extérieur toujours aussi déficitaire, il sera probablement difficile pour les représentants français d\'affirmer clairement leur choix d\'une vision offensive et proactive de la mondialisation lors du Conseil Européen de Bruxelles. On peut néanmoins penser que la stratégie proposée par la Commission Européenne devrait trouver un écho favorable auprès du Président de la République. En effet, sa principale ambition est de définir la manière dont la politique commerciale européenne peut contribuer à stimuler la croissance et l\'emploi sur le continent. Autant de domaines que François Hollande s\'est attelé à faire évoluer positivement depuis son élection, dans le cadre du Pacte de croissance adopté au niveau européen à son initiative. 
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