La parité médiatique en VF (version féminine)

Beaucoup d'hommes et de femmes croient aujourd'hui, avec une sincérité qui ne saurait être mise en doute, que « l'un vaut l'autre ». Cette équation idéale ne résiste pas à la réalité du monde de l'entreprise, en particulier dans ses structures de direction. En atteste la proposition de loi qui vise à imposer un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises et des institutions publiques d'ici à cinq ans. La volonté politique est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante en la matière. Pour éviter que ces talents deviennent des « femmes-quotas », que l'on mette en avant le genre plutôt que la compétence, n'est-il pas urgent de donner aux femmes la visibilité qui renforcera leur légitimité et rendra plus naturelle leur arrivée dans les cercles du pouvoir et/ou de décision des entreprises ?L'argument le plus fréquemment employé pour justifier la faible représentativité des femmes est qu'il n'en existe pas suffisamment disposant de l'expérience et des compétences nécessaires pour exercer les fonctions dans lesquelles elles sont sous-représentées. Mais la réalité est tout autre : ces femmes existent, et elles sont nombreuses ! Mais elles ne sont pas identifiées, tout simplement parce qu'elles ne sont pas visibles.Bien sûr, les femmes d'expertise sont « repérées » par leurs pairs, mais cela ne suffit pas à assurer leur promotion. Aujourd'hui, les femmes n'occupent pas plus de 4 % du temps médiatique. C'est bien moins que la parité totale dans la vie politique, moins encore que les 8 % de femmes dans les conseils d'administration, et tellement moins que le nombre de femmes réellement expertes dans leurs sphères de compétence et d'action respectives ! Pour reprendre la terminologie du rapport sur l'image des femmes dans les médias réalisé par Michèle Reiser, Brigitte Grésy et Mercedes Erra pour le gouvernement en 2008 (1), les femmes ont un « statut de seconde zone : passantes ou ombres chinoises ». Lorsqu'on sait que la visibilité est un facteur d'intégration et de reconnaissance important, on ne peut que s'inquiéter de ces statistiques. D'autant que tendre le micro à de nouvelles voix est aussi un moyen de créer une concurrence nécessaire au renouvellement du débat dans un monde économique qui en a tant besoin. Mais les médias manquent de sources et d'informations sur celles vers qui ils pourraient, à juste titre, s'adresser.Si la mixité en tant que telle ne fait heureusement plus vraiment débat - chacun convient des avantages que la vie politique et la vie économique peuvent retirer d'une parité mieux respectée à tous les niveaux - il y a encore une large différence entre les déclarations publiques et la pratique de la vie des affaires.Et cette question de la parité dans le champ médiatique dépasse le cadre de la vie économique en posant par ailleurs le problème de la transmission. Quel est l'impact de cette non-visibilité sur les jeunes générations ? Les garçons n'ont que l'embarras du choix pour s'identifier, tandis que les filles doivent se contenter de quelques voix émergentes. Beaucoup de femmes peuvent incarner une réussite personnelle et professionnelle, et constituent ainsi des exemples vertueux pour les jeunes générations. Les faire exister dans la vie médiatique, c'est proposer aux jeunes filles des modèles dans lesquelles elles pourront se reconnaître et se projeter. C'est aussi contribuer à redonner une réalité à la notion d'ascenseur social.La parité médiatique est donc nécessaire au renouvellement de la vie économique présente et future. Elle permettra aussi d'élargir les champs de vision des recruteurs ou des comités qui désignent les membres des conseils d'administration. Et nous ne doutons pas que les journalistes seront ravis d'avoir plus d'experts, facilement accessibles, pour enrichir leurs articles et reportages. En matière de parité, la parole médiatique est aussi importante que les mesures politiques ! (1) Rapport sur l'image des femmes dans les médias, réalisé par Michèle Reiser, Brigitte Grésy et Mercedes Erra, à la demande de Valérie Létard, alors secrétaire d'État à la Solidarité.Point de vue par les fondatricesde VoxFemina (*) (*) Valérie Tandeau de Marsac, avocat associée, Jeantet Associés ; Michèle Ménart, directrice de la stratégie banque-assurance-immobilier du groupe La Poste ; Cécile de Guillebon, executive vice-president business development, AOS Studley ; Anne Binder, présidente d'Administrance ; Sophie Reynal, fondatrice d'AlliA Finance ; Claire Deguerry, associée restructuration d'entreprises, Deloitte Finance ; Marie-Céline Terré, fondatrice de MCC Conseil&Communication ; Béatrice Lejarre, présidente LP Active.
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