Comme un air d' « euronostalgie »...

Je vais vous parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître... C'était un mois de juin chaud et ensoleillé de l'année 1994. Sur l'île ionienne de Corfou, le palais Saint-Michel et Saint-Georges accueillait le sommet européen. Il n'y avait alors que douze pays membres de l'Union, la monnaie unique n'existait pas encore. La présidence grecque de l'UE avait donc déboursé 15 milliards de drachmes, soit 325 millions de francs, pour rénover les vestiges des époques vénitienne, française et anglaise de Corfou. Quatre pays devaient formaliser leur adhésion à l'Union lors du sommet : l'Autriche, la Finlande, la Norvège et la Suède. Les correspondants de presse français accrédités pour les travaux des Douze n'avaient, eux, qu'une idée en tête : sonder les intentions élyséennes de Jacques Delors, alors président sortant de la Commission européenne. François Mitterrand observait ce ballet avec son sourire de sphinx.Mauvais présagesLe soir venu, des petits groupes de journalistes, dûment badgés, s'égayaient dans la vieille cité, dont les habitants semblaient avoir disparu. Dans les restaurants, nous écoutions des journalistes grecs nous mettre en garde contre le nom choisi pour la future devise des Européens. Dans le traité de Maastricht de 1992, c'était l'écu mais les Allemands avaient opposé leur veto parce que cela leur rappelait le nom d'une bière ou d'un bovidé... Alors l'euro est arrivé. Et les Grecs ont fait la grimace parce que la consonance rappelait celle du mot qui veut dire urine en grec. On en riait beaucoup en buvant de l'ouzo. C'était encore un temps d'insouciance. L'Allemagne s'était réunifiée sans drames, et, même si les réformes institutionnelles patinaient, l'Europe était une réalité concrète. La théorie des dominosAujourd'hui, la Grèce endettée vacille sous les coups des attaques spéculatives. Ses voisins, les pays frères de la zone euro, volent à son secours mais bien tard, et qui plus est en lui prêtant avec intérêts. Hier encore, on élargissait l'Europe sans compter, aujourd'hui on tremble de voir la théorie des dominos affaisser Athènes puis Lisbonne et Madrid. Et pourquoi pas Paris au bout de la chaîne ? La solidarité européenne, la gouvernance économique, l'Europe politique semblent des concepts tout aussi chargés d'illusions que le chant des sirènes qui charmèrent Ulysse. Seize ans plus tard, que reste-t-il des nuits de Corfou ?
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