Christine Lagarde ? : l'ambassadrice de Sarkozy

«?Il paraît que je serais trop techno ? Mais pour moi, c'est un compliment. Cela signifie que je suis compétente.?» Trop techno, c'est pourtant, de l'avis même des conseillers de Nicolas Sarkozy, le handicap majeur de Christine Lagarde pour succéder à François Fillon avant la fin de l'année. «?Je n'ai pas d'agenda personnel. Dans ma vie professionnelle, je n'ai jamais fait de plan?», lance la ministre de l'Économie pour donner à croire qu'elle ne pense pas à Matignon tous les matins lorsqu'elle se maquille. S'imagine-t-elle davantage succéder à Bernard Kouchner au Quai d'Orsay?? «?C'est vrai, je parle anglais et je connais bien les questions internationales. Mais est-ce suffisant???» botte-t-elle en touche.Pourtant, les médias internationaux semblent avoir fait leur choix. Fin avril, «?Time Magazine?» la classait parmi «?les 100 personnalités les plus influentes de la planète?». Seul un autre Français, DSK, apparaît dans cette liste où ne figure plus désormais Nicolas Sarkozy?! En novembre, le «?Financial Times?» la couronnait «?ministre des Finances de l'année?» pour son rôle lors de la crise financière. «?Le Canard enchaîné?» l'a immédiatement surnommée la «?Financial femme?»... Qui a également été désignée «?meilleur ministre?» par ses collègues du gouvernement dans une enquête de «?L'Express?» en décembre?2009?? Devinez. On peine à croire que la même Christine Lagarde était affublée deux ans plus tôt du sobriquet méprisant de «?Christine Lagaffe?» pour ses petites phrases sur l'archaïsme du Code du travail ou sur le recours au vélo en cas de hausse du prix du pétrole...Le 19?juin, les membres de son cabinet lui préparent en tout cas une petite fête pour ses trois ans passés au 6e étage de Bercy. Un record de longévité?: seul Pierre Bérégovoy a fait mieux auparavant. À vrai dire, elle n'occupe que par intermittence le bureau qu'elle vient d'agrémenter d'une moquette zébrée noir et blanc qui est loin de faire l'unanimité. Depuis juin?2007, elle a en effet effectué 120 déplacements à l'étranger, y compris en Europe, en plus de ses 75 escapades officielles dans l'Hexagone. La crise financière à partir de l'automne 2008 et les soubresauts européens à répétition, en particulier ceux des dernières semaines, alimentent cette bougeotte. La semaine dernière, elle était en Corée du Sud avec ses homologues ministres des Finances des pays du G20 pour tenter de mettre en place une taxation bancaire internationale. Un voyage qui s'est finalement soldé par un échec. Fin juin, elle reprendra d'ailleurs l'avion pour accompagner le chef de l'État au G20 à Toronto.«?Vous croyez qu'avec un emploi du temps comme celui-là, je pourrais m'occuper d'une circonscription???» interroge-t-elle pour anticiper les critiques sur son manque d'implication dans la vie politique intérieure. Elle rappelle qu'on faisait la même critique à Raymond Barre, issu comme elle de la «?société civile?», qui traitait aussi le «?microcosme?» avec condescendance. Notre star internationale de l'économie sait que les autres «?premiers ministrables?», Jean-Louis Borloo, Éric Woerth, Michèle Alliot-Marie, Jean-François Copé, sans parler de François Fillon lui-même, glosent en privé sur son absence de sens politique.Jusqu'à présent, son seul mandat électif est celui de conseillère UMP de la capitale. Mais ses apparitions au conseil de Paris sont rares et elle fait la moue lorsqu'on évoque devant elle l'hypothèse de sa candidature en 2014 pour succéder à Bertrand Delanoë qui ne se représentera pas. Ses velléités de conquérir la fédération UMP de Paris ont également fait long feu. Les dirigeants de l'UMP ne désespèrent pourtant pas de lui proposer une circonscription «?gagnable?» pour les législatives de 2012. N'est-elle pas créditée par TNS-Sofres d'un honorable 53?% de cote de confiance parmi les électeurs de la majorité, pas très loin de MAM qui a pourtant un quart de siècle de vie politique derrière elle??Christine Lagarde fait pourtant des efforts pour donner l'impression qu'elle s'intéresse autant aux intrigues d'appareil qu'à la régulation financière. Ainsi, elle s'est fait violence en octobre pour intervenir aux journées parlementaires du Nouveau Centre... «?À chaque fois qu'on m'a demandé de participer à des meetings pour les régionales, je suis venue. Mais ce n'est pas là que je suis le plus utile?», reconnaît cette fille d'enseignants cathos de gauche.Le principal handicap de la ministre de l'Économie n'est-il pas aujourd'hui d'incarner la première époque du sarkozysme, celle du libéralisme triomphant et du «?travailler plus pour gagner plus?»?? Même si c'est Jean-Louis Borloo, son éphémère prédécesseur à Bercy, qui l'avait préparée, c'est l'ex-chairman de Baker & McKenzie qui a défendu la désormais célèbre loi Tepa d'août 2007. Or, le bouclier fiscal et la défiscalisation des heures supplémentaires qui constituent les gros morceaux de cette loi, sont devenus deux casse-tête pour la majorité. D'ailleurs, la loi Tepa n'est pas la plus grande fierté de Christine Lagarde. «?Ma réforme, c'est celle du crédit à la consommation. C'est sur ce texte que je me suis engagée le plus totalement?», confie-t-elle. Elle s'avoue également fière de la fusion de l'ANPE et des Assedic qu'elle a défendue comme ministre en charge de l'emploi, ainsi que de la réforme de la taxe professionnelle. En revanche, elle déplore l'échec de la taxe carbone et regrette de ne pas avoir pu faire avancer la mise en place d'une TVA sociale.La crise a-t-elle finalement ébranlé ses convictions libérales forgées par vingt-cinq ans passés dans un grand cabinet d'avocats d'affaires anglo-saxon?? «?Elle m'a convaincue de la nécessité d'une bonne régulation là où je ne la jugeais pas prioritaire, comme le secteur financier?», reconnaît Christine Lagarde qui ajoute immédiatement?: «?Cette régulation est tout à fait conforme avec le libéralisme éclairé.?» «?Entre le zoo et la jungle, je choisis le parc?», assène-t-elle.«?Si elle suit mes conseils, elle va exploser?», aurait lancé un jour Nicolas Sarkozy. Le sort que le chef de l'État va réserver à Christine Lagarde après l'été permettra de savoir s'il est content de son élève.Patrick Coquidé «?Si elle suit mes conseils, elle va exploser?», aurait lancé Nicolas Sarkozy.1956 : naissance à Paris.1971 : vice-championne de France de natation synchronisée.1981 : avocate au cabinet Baker & McKenzie.1991 : associée gérante.1999 : présidente du comité exécutif mondial.2004 : présidente du comité stratégique.2005 : ministre déléguée au Commerce extérieur.2007 : ministre de l'Agriculture puis ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi.2008 : conseillère UMP de Paris.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.