Le design en marche

Dix ans déjà ! À Paris, du 9 au 14 juin, Designer's Days, lors de son parcours annuel ouvert aux professionnels et au public, va fêter avec éclat un anniversaire qui confirme cette manifestation comme une des grandes vitrines internationales du design. Tant du point de vue de la création que d'un point de vue économique. Alain Lardet, président de Designers Days, nous livre son analyse du « phénomène design » aujourd'hui en pleine expansion. Designer's Days fête ses dix ans. Quelle évolution sur la scène du design ?Le paysage a beaucoup changé à Paris. D'abord, l'engouement est de plus en plus grand auprès du public avec 40.000 à 50.000 visiteurs dans les showrooms lors de Designer's Days. Ensuite, le secteur de l'art de vivre est venu se greffer dessus avec des sociétés plus traditionnelles comme la Manufacture de Sèvres ou Baccarat, qui rejoignent celles du meuble contemporain français et étranger comme Roche Bobois, Cassina ou B&B. De plus en plus de magasins liés au design et une prise de conscience collective sont déterminants pour son devenir.Justement, quelle est l'étendue de cette prise de conscience ?Le ministère de la Culture, celui de l'Artisanat et des Entreprises sont extrêmement impliqués et vigilants. La Ville de Paris a tout de suite compris l'importance d'une manifestation comme la nôtre car la capitale abrite de nombreuses structures qui vivent du et autour du design. Tous ont conscience que le design est un élément clé du dispositif économique. C'est une valeur ajoutée qui permet de créer de l'innovation. Nous avons également rencontré la cellule qui, au ministère des Finances, est chargée de prendre des initiatives pour encourager les PMI à travailler avec des designers à travers des aides matérielles et pédagogiques au niveau national et régional. Depuis l'arrivée du Lieu du Design, faubourg Saint-Antoine, nous avons également le soutien de la Région. Toutes ces institutions, comme VIA (Valorisation de l'innovation dans l'ameublement), APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle), travaillent de concert avec nous qui représentons une force fédératrice. Pour la partie purement intellectuelle et culturelle de l'opération, nous avons réussi à réunir autour de ce parcours d'autres institutions comme les musées et les écoles de design. Quant à la prise de conscience du public, nous y contribuons par une sorte de pédagogie aimable. Designer's Days démontre au fil des showrooms et à travers leurs scénographies reliées à un thème annuel que le design, présent dans notre quotidien, est l'affaire de chacun. C'est un vecteur important d'amélioration, d'harmonie pour la vie de tous les jours.On comprend le lien entre design et industrie. Y en a-t-il un avec les métiers d'art ?Côté industrie, en France, le lien n'était pas évident. En effet, certains industriels n'ayant pas réalisé l'enjeu économique étaient réticents, considérant le design comme superflu. Du coup, nous sommes en train de rattraper un grand retard par rapport à l'Angleterre ou aux pays nordiques. En Italie, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les entrepreneurs ont pris conscience de ce que les designers et les architectes pouvaient leur apporter, inondant le monde de leurs produits. Côté métiers d'art, le Premier ministre a demandé à Catherine Dumas, sénatrice de Paris, une étude sur ce sujet. Dans les recommandations qui ont été faites, il y a celle de faire travailler ensemble artisans d'art, artistes et designers. De grandes manufactures comme Sèvres ou des manufactures privées comme Baccarat, Christofle, Bernardaud ou les Pianos Pleyel qui associent des techniques très avancées au travail de la main ont redoublé d'activité autour de ces collaborations qui redynamisent des pans entiers de l'artisanat. La Fondation Bettancourt va par exemple créer cette année un nouveau prix qui récompensera un duo designer-artisan d'art, ce dernier n'étant plus un simple exécutant mais le coauteur de la pièce. Une initiative qui nous rappelle que l'artisanat est le laboratoire de l'industrie.Vous raisonnez à l'échelle européenne ?Au minimum. Les designers français ont pris place dans le paysage international grâce à des sociétés étrangères, notamment italiennes, qui ont fait appel à eux. Cela a contribué chez nous à une prise de conscience de notre patrimoine design, de la valeur de notre enseignement et de notre réservoir de talents dans lequel aujourd'hui nous puisons. Les écoles européennes doivent se regrouper, se mélanger pour créer un design international qui voyage partout.Et les pays émergents dans ce contexte ?Les Chinois viennent beaucoup dans nos écoles. Ils ont des savoir-faire extraordinaires et peuvent sûrement en ressusciter d'autres. Un jour, ils auront à la fois les savoir-faire et les créateurs et deviendront des concurrents de plus en plus importants sur des marchés exponentiels. On parlera surtout de la Chine, du Brésil et de l'Inde. En découvrant l'économie mondiale, l'Inde a beaucoup sacrifié ses savoir-faire qui lui paraissaient obsolètes. Quand ils auront suffisamment intégré l'industrie, on peut imaginer qu'ils sauveront ce qui restera en y adjoignant leurs propres créations. Nous avons de l'avance sur ce terrain-là. Des groupes importants comme Chanel ou Hermès ont pris conscience de l'importance et du trésor que constituent ces savoir-faire. En les intégrant dans leur développement et leur économie, ils ont sauvé beaucoup de sociétés.Comment voyez-vous l'avenir du design dans le contexte actuel ?Je suis optimiste. Le design est un élément dynamique qui peut contribuer à la sortie de crise de certaines entreprises. Il est aujourd'hui en excellente position pour conquérir de nouveaux territoires. Notre mode de vie évolue très rapidement. Le designer est un visionnaire qui accompagne et même précède tous ces changements. Son rôle est de rendre la vie plus agréable en dépit des difficultés en intégrant, par exemple, le développement durable à sa réflexion. C'est la dimension sociale du design. Le designer dans l'entreprise crée une passerelle entre la création, la diffusion et la consommation. Il porte également une dimension éthique. Il est grand temps de comprendre que le design est tout sauf futile, tout sauf un phénomène de mode. Il nous accompagne à chaque instant et s'inscrit dans la pérennité.
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