Sécurité : le défi de Johannesburg

Depuis la fin de l'apartheid, la mégapole sud-africaine et ses sept millions d'habitants souffrent d'une réputation déplorable en matière de sécurité. Vols, cambriolages, agressions, viols, meurtres : ce condensé des fléaux urbains contemporains est confirmé par les statistiques et amplifié par les consignes décourageantes des guides touristiques. Eldorado continental, « Jozi » attire des déshérités de toute l'Afrique et est cerné par d'immenses townships souvent miséreux. Pourtant, dès l'arrivée à l'aéroport OP Tambo, le plus important d'Afrique, aucune sensation de malaise. L'endroit tient plus d'un « hub » américain que d'un coupe-gorge ; des milliers de voyageurs s'y croisent dans la plus complète indifférence. Une fois au volant, ce sont les travaux routiers qui interpellent. Les dizaines d'autoroutes et de périphériques semblent tous en chantier, créant de gigantesques embouteillages qui n'altèrent pas la soif de vitesse des conducteurs locaux. Durant notre périple, de jour comme de nuit, à pied comme en voiture, à l'entrée de Soweto comme dans les quartiers chics, nous ne serons jamais importunés. Hormis peut-être aux feux rouges par des vendeurs ambulants un peu insistants... « Johannesburg, c'est une grande ville internationale, avec beaucoup de riches... et beaucoup de pauvres », explique Scott Bobb, correspondant sur place de « Voice Of America » depuis 2007. Cette disparité augmente la criminalité et tend le dialogue social. Il y a encore une certaine inefficacité du gouvernement, venant d'un parti qui a été dans l'opposition durant plusieurs décennies. Mais j'aurais tendance à dire qu'en matière d'insécurité, c'est comme dans toutes les grandes villes de la planète. »C'est l'ANC, le parti historique de Nelson Mandela, qui est aux commandes de la capitale économique sud-africaine. Johannesburg, locomotive nationale née de la ruée vers l'or du XIXe siècle, contribue à elle seule à près d'un quart du PIB du pays. Maire depuis 2008, Amos Masondo compte bien profiter de l'effet Coupe du monde pour redorer un blason terriblement terni durant les années 90. « L'insécurité est un problème qui nous concerne tous, affirme-t-il, mais elle est en régression dans toute l'Afrique du Sud. Nous avons lancé un programme de formation d'environ 4.000 policiers urbains. De nombreuses caméras fonctionnent dans toute la ville. Dans certains quartiers, la criminalité a baissé de 80 %. Ça aussi, il faut le dire. » à Soccer City comme à l'Ellis Park, Johannesburg accueillera quinze matchs, dont l'ouverture et la finale. La police nationale sud-africaine a consenti des efforts inédits pour sécuriser l'épreuve. Vishnu Naidu, porte-parole en charge du Mondial, annonce le chiffre de 55.000 policiers mobilisés entre le 11 juin et le 11 juillet. « La criminalité est concentrée dans des quartiers où la drogue et l'alcool font des ravages, confie-t-il. Il faut savoir que la plupart des crimes en Afrique du Sud sont commis par des gens connus des victimes. L'an passé, le pays a accueilli 9,5 millions de touristes. Combien d'entre eux ont été victimes de crimes ? Aucun. Grâce à cette Coupe du monde, nous espérons que la planète verra l'Afrique du Sud telle qu'elle est vraiment, pas telle que certains médias la décrivent. »« vivre ensemble »Les Sud-Africains sont froissés de traîner comme un boulet l'un des taux de criminalité les plus élevés au monde - 50 meurtres par jour mais il serait en nette régression. Le leader syndicaliste Pietr Matosa s'insurge : « Nous voulons répondre aux attaques dont a été victime l'Afrique du Sud. Le monde entier doit venir ici et se rendre compte que c'est un pays sûr. » Pour Scott Bobb, les réactions à l'assassinat du leader blanc extrémiste Eugene Terre-Blanche en avril sont un signe positif. « Ce pays a une longue histoire de violence, de guerres, de tensions entre toutes sortes de groupes. Tout cela reste dans les mentalités. Ce meurtre a fait resurgir d'anciennes haines. Mais la société s'est tout de suite levée pour dire : ? Non, on n'est pas comme ça ! ?. Il y a une vraie variété culturelle ici. Et les gens veulent vivre ensemble. » Même si le combat est encore loin d'être gagné : Johannesburg et le Cap sont confrontées depuis des semaines à la révolte des sociétés de taxis collectifs, qui voient d'un très mauvais oeil l'arrivée de transports en commun enfin modernes et efficaces. Dans les townships, des bus ont été attaqués, du sang a coulé ; Vishnu Naidu y voit la preuve que « le défi le plus important commencera après le 11 juillet. Cette Coupe du monde doit nous aider à le relever. » n « Le monde entier doit venir ici et se rendre compte que c'est un pays sûr. »
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