Crise de génération ou génération en crise

Alors ce sera quand, pour vous, la retraite ? Combien de trimestres encore ? Cela risque d'être bientôt la question qui fâche devant la machine à café. Surtout pour ceux qui étaient déjà en train de fantasmer sur un « ailleurs » et un « après ». La société qui avait promis une nouvelle période de vie faite de loisirs - « Profitez de votre retraite puisque la vie s'allonge » - envoie désormais le message inverse : « La durée de vie s'allonge, vous êtes en forme encore, c'est le moment de penser à votre avenir professionnel. »Message lancé aujourd'hui à un individu en plein questionnement sur lui-même. Le débat sur les retraites a ceci de très angoissant pour les quadras et quinquas qu'il les interroge fatalement sur leurs parcours. Celui accompli et celui qui reste à faire. La fameuse « crise du milieu de vie », comme on dit chez les psys, frappe aussi bien à 40 ans qu'à 50 ans. C'est un moment où se cristallisent les tensions, où l'on se demande : « Qu'ai-je fait ? Où en suis-je ? Ai-je construit ce que je souhaitais ? » La question du sens que nous avons souhaité donner à notre vie est au coeur de ce questionnement. Bref, avons-nous le sentiment de l'avoir orienté comme nous le désirions ? Cruelle question tant il est vrai que nous sommes aussi dépendants des circonstances et qu'il nous faut accepter ce que nous n'avons pas réussi à obtenir. Elle est là la crise : dans notre honnêteté à considérer que les choses ne sont pas telles que nous les avions rêvées. Alors on se met à tout remettre à plat : mariage, travail, amis. « Quel est le sens de ma vie ? Qu'est-ce que je veux ? Pourquoi en suis-je arrivé là ? » Arrêt sur image nécessaireLa crise a des causes externes (chômage, gain inespéré, accident, mais aussi environnement de travail, changement d'équipe ou de stratégie) mais aussi internes (divorce, naissance, maladie, déménagement, décès). Pour mieux rebondir, un état des lieux intérieur s'impose : « Comment me suis-je construit ? Dans quel environnement ? Quel était le sens de mes choix et de mes attitudes ? Quelle place occupaient mes désirs ? Ont-ils été pris en compte ? Dans quelle dynamique familiale me suis-je inscrit ? » Un arrêt sur image essentiel pour aborder les changements et, surtout, pour commencer à entreprendre de nouveaux projets avec un bon esprit. C'est le grand enseignement des crises qui nous obligent à quitter un état pour en enclencher un nouveau. L'issue dépend ensuite beaucoup de la force psychique et de la certitude qu'une issue positive est possible. Or, le débat sur l'âge de la retraite brouille un peu les pistes en faisant oublier que les âges de la vie ne dessinent plus des états, des statuts ou des rôles mais des processus, rythmés par des crises. Nous découvrons à peine que chaque étape est un chapitre de récit de vie à construire et reconstruire...jusqu'au bout. Avec le handicap d'une société qui nous fait croire à l'épanouissement permanent au lieu de nous projeter vers un accomplissement final. Se réconcilier avec le monde, avec les autres, et avec soi-même, tel est l'enjeu. Pour ça, il faut pas mal de temps. Sachons, comme le formule Georg Hegel, regarder le monde du point de vue de « la fin de l'histoire ».
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