Polémique : Eurostar passe commande à Siemens plutôt qu'à Alstom

Présentée ce jeudi au centre de Hyde Park, au coeur de Londres, la nouvelle rame d'Eurostar cache bien sa marque : seuls deux petits autocollants placés sur les fenêtres dévoilent le nom de Siemens, et encore sont-ils à l'envers. Mais la discrétion ne fait pas moins de la décision d'Eurostar un pavé dans la mare. Pour la première fois, l'entreprise ferroviaire, qui relie Londres à Paris et Bruxelles, ne choisit pas Alstom. Elle passe commande à l'allemand Siemens de dix nouvelles rames, livrables en 2014, pour environ 600 millions d'euros. Selon le directeur général d'Eurostar Nicolas Petrovic, la décision a été prise sur des seules raisons commerciales. « Eurostar est une entreprise européenne et notre choix concerne le bénéfice commercial de l'entreprise et un meilleur service aux clients. » Les nouveaux trains pourront recevoir 900 passagers, soit 20 % de plus qu'actuellement, et ils pourront rouler à 320 km/h. « Cela permet de joindre Francfort ou Amsterdam en quatre heures », souligne Nicolas Petrovic.Règles de sécuritéDu côté de l'Élysée, la décision a été reçue comme un camouflet. D'autant qu'Eurostar est une filiale de la SNCF. Dominique Bussereau et Jean-Louis Borloo, respectivement ministre des Transports et de l'Environnement, ont aussitôt fait part de leur « stupéfaction » dans un communiqué conjoint. Pour expliquer leur colère, ils soulignent que la nouvelle rame de Siemens n'a pas reçu le feu vert français sur les règles de sécurité. « Il convient d'apporter la plus grande attention au respect des règles de sécurité dans le tunnel sous la Manche, affirment les deux ministres. [...] Dans ce cadre, Eurostar doit mettre en conformité son appel d'offres avec les règles de sécurité actuelles. » Du côté d'Eurostar et de Siemens, on présente l'approbation du régulateur français comme une simple formalité technique. « La commission intergouvernementale (sur la sécurité) n'a pas revu ses règles de sécurité depuis quinze ans et elle doit les mettre à jour, souligne le responsable des trains à haute vitesse de Siemens, Edzard Lübben. Pour que le tunnel sous la Manche reçoive des trains de nouvelle génération, elle doit s'adapter. » Les règles actuelles imposent ainsi une locomotive à l'avant et une autre à l'arrière. Mais le moteur du train de Siemens est sous le plancher, si bien que l'avant du train n'est pas considéré, techniquement, comme une « locomotive ».Ouverture à la concurrenceAu-delà de la polémique, les nouvelles rames sont pour Eurostar une façon de se préparer à l'ouverture à la concurrence, prévue par la réglementation européenne. Le tunnel sous la Manche pourra bientôt être utilisé par d'autres opérateurs, et l'allemand Deutsche Bahn envisage d'y être dès 2012. Pour faire face, Eurostar veut desservir plus de destinations. « Nous voulons prendre des parts de marché aux avions qui partent du sud-est de l'Angleterre », explique Nicolas Petrovic. Lyon, Marseille, Genève, Cologne, Francfort et Amsterdam sont parmi les possibilités, avec des premières dessertes d'ici « deux à trois ans ».
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