Transgression sous surveillance à la Biennale de Moscou

expositionspar Emmanuel Grynszpan, à MoscouTotems, animaux sauvages, tapis afghans, fresques africaines ont investi le Garage ? le centre d'art contemporain de Daria Joukova, la compagne du milliardaire Roman Abramovitch. Devenu depuis peu le haut lieu culturel de Moscou, il accueille la troisième Biennale d'art contemporain de la capitale russe. Intitulée « Contre l'exclusion », l'exposition majeure de la manifestation réunit 80 artistes venant de 25 pays. On en sort hébété par la densité d'idées et de partis pris esthétiques parfois diamétralement opposés.Jean-Hubert Martin, le commissaire de la Biennale, a choisi d'y traiter de nombreux thèmes liés à l'exclusion tels l'homosexualité, la pauvreté, la vieillesse, les animaux ou les clochards. Une très légère dose de politique s'est même glissée via un portrait vaguement satirique de Vladimir Poutine en divinité païenne. ?uvre qui, soit dit en passant, a failli être bloquée à la frontière russo-ukrainienne sous la très bizarre accusation d'« incitation à la pédophilie ». Mais le commissaire assure avoir refusé toute forme de provocation. « Les artistes ne provoquent pas mais déclarent et affirment la réalité d'aujourd'hui, telle qu'ils la voient », s'est-il appliqué à répéter à tous ses interlocuteurs.sur des ?ufsVisiblement, l'ancien directeur du Centre Pompidou marchait sur des ?ufs lors du vernissage de l'exposition, fin septembre. Car à Moscou, certaines transgressions ne pardonnent pas. Andreï Erofeev, le commissaire le plus respecté de Russie, en sait quelque chose pour avoir été exclu de son poste prestigieux de directeur du musée d'État Tretyakov après avoir montré des pièces ayant déplu à l'église orthodoxe. Il risque en sus jusqu'à cinq ans de prison pour « incitation à la haine » et il n'est pas le seul dans la communauté artistique russe à subir les foudres de groupes réactionnaires en cheville avec le pouvoir.« jolies ?uvres » Du coup, la politique a été discrètement évincée de la Biennale. On se serait pourtant attendu à la trouver à Krasny Oktiabr (Octobre rouge), un autre lieu au nom évocateur participant à l'événement. L'ancienne fabrique de confiserie soviétique a été investie par une exposition intitulée « Pauvre Russe », en allusion directe à l'Arte Povera italien.Mais pas trace de message social dans cette rétrospective réunissant des grands noms de l'art contemporain local (AES + F, Osmolovsky, Ter-Oganyan, Albert, Brodsky, Joloud, Koshlyakov). Seuls les matériaux utilisés sont « pauvres ». Les artistes, pour leur part, font fureur parmi les collectionneurs. Pourquoi la politique est-elle devenue si importante à Moscou ? « Aujourd'hui, le monde de l'art est complètement polarisé, explique Andreï Erofeev, en parcourant l'exposition ?Pauvre Russe?. Une grande partie des artistes de ce pays ont choisi de produire des jolies ?uvres destinées à être accrochées au-dessus du canapé. Les autres sont très politisés, et vous ne les verrez pas à la biennale. »À Moscou, jusqu'au 25 octobre. https://3rd.moscowbiennale.ru
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