Garantie universelle des loyers : Madame Duflot, ne reproduisez pas les erreurs de vos prédécesseurs !

Ce qui se passe est singulier: le projet de loi de Madame Duflot, désigné sous l\'acronyme d\'ALUR (pour l\'accès au logement et un urbanisme rénové), comporte le principe de la création d\'une garantie universelle des loyers (GUL). La ministre l\'a présentée à la presse comme une totale nouveauté, et nombre de journalistes l\'ont achetée \"argent comptant\". Pourtant, cette GUL-là a déjà un lourd passé... C\'est au point que si l\'Etat échouait encore à mettre en place un dispositif efficace et viable, l\'idée serait définitivement enterrée.La garantie des risques locatifs a existé...Il faut en effet remonter à 2002 pour trouver l\'origine du concept, il n\'y a pas moins de douze ans. Campagne présidentielle, Lionel Jospin est candidat, et sa conseillère pour les questions de politique du logement s\'appelle Marie-Noëlle Lienemann - elle fut ministre du Gouvernement Bérégovoy en charge de ce portefeuille. Elle imagine une sécurité sociale du logement, la CLU (couverture logement universelle), qui sera une promesse forte, et alors différenciante. Dès 2007, les deux candidats majeurs à l\'élection présidentielle étaient d\'accord sur la nécessité de ce produit de sécurisation, et celui qui l\'a emporté, Nicolas Sarkozy, a tenu parole.Bref, la garantie des risques locatifs (GRL) a bel et bien déjà existé. D\'ailleurs, elle n\'a pas été dissoute à proprement parler et s\'est plutôt éteinte, étiolée d\'elle-même. Dans sa dernière version, elle associait quelques assureurs privés volontaires, dont Galian -qui s\'est longtemps appelée la Caisse de Garantie de l\'Immobilier FNAIM, que notre fédération a créée en 1965 - et Action Logement, pour assurer un large spectre de locataires, jusqu\'à 50 % de taux d\'effort. Alors pourquoi passer cette expérience sous silence?Un dispositif qui n\'a pas fait ses preuvesPeut-être parce qu\'elle n\'a pas été concluante, et que le rapport sinistre à prime s\'est dangereusement dégradé, en particulier pour la partie publique du dispositif, qui couvrait les locataires dont les taux d\'effort étaient les plus lourds. On sait aussi que la communauté des assureurs n\'a pas été enthousiaste - doux euphémisme - et que même l\'autorité de Matignon n\'a pas suffi à faire lever les vocations: cinq compagnies seulement ont joué le jeu, et quatre d\'entre elles ont jeté l\'éponge à la fin. Il a même été imaginé par le Parlement en 2011 une taxe à la charge des assureurs réfractaires, que leur lobbying est parvenu à neutraliser avant le vote définitif de l\'amendement.Il faut évoquer cet échec, plus cuisant encore que le précédent. L\'Etat et les partenaires sociaux ont été incapables de gérer un dispositif qui, bien vite, s\'est mis à ressembler à un tonneau des Danaïdes, où l\'Etat indemnisait à tout-va, couvrant sans discernement, y compris des logements acquis en défiscalisation, dont la résorption de la vacance était quasi-impossible. Sans mettre en place de recouvrement des impayés, la mort du dispositif était annoncée. L\'élémentaire prudence dicte de tirer les enseignements du passé pour ne pas reproduire les erreurs et trouver de meilleures voies.Risque de condamner la garantie universelle des loyersMon propos n\'est pas de déprimer les députés, qui vont, avant les sénateurs, examiner l\'article 8 du projet de loi de la ministre de l\'égalité des territoires et du logement. Il consiste à les éclairer, beaucoup d\'entre eux ne disposant pas de l\'historique, notamment parce qu\'ils n\'étaient pas encore élus lorsque les GRL 1 et 2 ont été décidées et mises en place. On voit bien ce qui ne marche pas, et il serait criminel de renouveler les erreurs. On condamnerait cette fois définitivement le concept, et pour longtemps sinon pour toujours.Je m\'étonne que le gouvernement semble vouloir en rester aux bonnes intentions, feignant d\'ignorer les périls qu\'elles portent. Même si la loi ne définira que les grands principes, ce qui est sain, et s\'il faut attendre les décrets, on entend des choses étranges et dangereuses, qui ont pourtant déjà montré leurs limites: le tout Etat, c\'est-à-dire les fonds des contribuables pour financer le système, une agence publique pour le gérer, ou encore des taux d\'effort des locataires pousse-au-crime, au moment où l\'instauration d\'un fichier positif des crédits veut éviter le surendettement!La responsabilité des locataires menacéePar-dessus tout, l\'universalité est un écueil terrible: elle va créer le risque de déresponsabiliser les locataires. Je ne suis pas pessimiste sur la nature humaine, et mon expérience d\'administrateur de biens ne m\'a pas fait changer d\'avis: non, les locataires de mauvaise foi, qui s\'abstiennent volontairement de payer leurs loyers, ne sont pas légion. Les débiteurs savent qu\'ils mettent leur bailleur en difficulté et s\'exposent, devenus occupants sans titre, à l\'expulsion. Pour autant, il ne fait aucun doute que si, de notoriété publique, l\'impayé n\'a plus aucune conséquence a priori ni sur la perception du loyer par le propriétaire, indemnisé, ni sur le locataire, protégé, l\'acquittement du loyer semblera superfétatoire à la plupart. Au moindre embarras financier, le locataire se sentira délivré à bon compte de ses obligations... Le dispositif explosera.Tous les locataires n\'ont pas besoin de ce soutienAu demeurant, en termes moraux, politiques donc, l\'Etat n\'a-t-il pas vocation à aider les plus faibles et à laisser les autres piloter leur destin? Tous les locataires ont-ils besoin de ce soutien? Tous les propriétaires mêmes en ont-ils besoin? Certains acceptent le risque et l\'assument, parce que leur situation le leur permet, quand d\'autres ne peuvent le supporter. Les gérants d\'immeuble dans les rangs de la FNAIM les plus prompts à proposer les produits aujourd\'hui existant, à des tarifs comparables aux 2 % du montant des loyers annoncés par le Gouvernement, ne dépassent pas les 60 % de bailleurs désireux de se protéger contre l\'impayé. C\'est une indication, et elle contrebat la pétition d\'universalité.En tout cas, j\'attends du débat parlementaire qu\'il fuie les dogmes de la générosité aveugle, pour que se construise un édifice bien fondé, solide, gouverné avec rigueur, qui associera effectivement au logement locatif une sécurité accrue pour l\'investisseur et un accès facilité pour les locataires.  
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.