La chute du mur de Berlin, entre espoir et realpolitik

La chute du mur de Berlin comme si vous y étiez. Ainsi aurait pu être sous-titré l'ouvrage d'Olivier Guez, journaliste indépendant (ex-membre de la rédaction de « La Tribune »), et Jean-Marc Gonin, grand reporter au « Figaro Magazine ». « La Chute du Mur » reconstitue, à travers un travail minutieux d'enquête mené durant deux ans auprès des acteurs et des témoins de l'événement, le déroulé quasi quotidien des journées (du vendredi 6 octobre au samedi 11 novembre) qui ont précédé la chute du Mur le 9 novembre 1989. Une date devenue le symbole de la fin de l'Empire soviétique issu de la Seconde Guerre mondiale. Le récit vivant évoque des acteurs de premier plan, mais aussi de nombreux anonymes, avec un souci du détail qui étonne souvent, agace quelques fois. Une part prépondérante est évidemment donnée aux dirigeants communistes est-allemands et soviétiques. Ainsi, le passage éclairant où Egon Krenz ? terne apparatchik qui va prendre le pouvoir en digne Brutus, trahissant le leader de la RDA Erich Honecker ? rend visite au personnel de l'usine modèle « 7 octobre ». Outre son comique, la situation éclaire la relation devenue autiste entre deux mondes. Les promesses d'un communisme, même remis au goût du jour, ne trouvent plus preneur. Le personnel de l'usine non seulement ne croit plus aux mensonges, mais s'en moque ouvertement. Preuve que le divorce entre le peuple et ses dirigeants est consommé. Grande et petite histoireMais le récit donne également la parole à d'autres acteurs de cette histoire, qui vont eux aussi à leur niveau précipiter la fin du communisme. Ainsi, le chef d'orchestre Kurt Masur, qui refuse lors d'un concert à Moscou de jouer l'hymne national de la RDA. Ou encore le rôle joué par l'Église dans la contestation. Au final, le livre montre combien l'Histoire avec un grand H est composée de petites histoires parallèles.En complément idéal, on pourra lire l'ouvrage du journaliste Daniel Vernet, ancien du « Monde » et spécialiste des questions de relations internationales. Dans « 1989-2009. Les Tribulations de la libert頻, il rappelle combien les espérances suscitées par la nouvelle période ouverte par la chute du Mur ont été déçues par les deux décennies suivantes. Car 1989 est une année qui est aussi marquée par la fin de l'occupation de l'Afghanistan par l'Union soviétique, par la contestation du pouvoir chinois sur la place Tiananmen, par l'élection de De Klerk en Afrique du Sud qui va mettre un terme à l'apartheid, les premières élections libres au Brésil, la mort de l'ayatollah Khomeiny, la fin du pouvoir du général Pinochet au Chili, le prix Nobel de la paix attribué au dalaï lama...Mais en vingt ans, la transformation du monde va prendre un autre tour, avec la libéralisation des échanges commerciaux, la fameuse mondialisation, la réunification de l'Allemagne, l'extension de l'Union européenne, la guerre dans l'ex-Yougoslavie, les attentats du 11 septembre 2001? Au final, explique Daniel Vernet, l'espoir d'un monde meilleur « s'est évanoui à cause des maladresses des uns, des incompréhensions des autres, de la realpolitik ancrée dans la défense des territoires et des intérêts nationaux que l'euphorie de la mondialisation avait fait passer par pertes et profits ». 1989, une année d'espoir ? « Il y a des bonheurs dangereux », disait François Mitterrand. Robert Jules « La Chute du mur », par Olivier Guez et Jean-Marc Gonin. éditions Fayard (360 pages, 21,90 euros).« 1989-2009. Les Tribulations de la libert頻, par Daniel Vernet. éditions Buchet Chastel (237 pages, 19 euros).
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