Créer de la valeur dans l'univers numérique

oint de vue Philippe Bailly Président de NPA ConseilProposer en moins de deux mois un ensemble de mesures concrètes et imaginatives permettant « le développement de l'offre culturelle en ligne et [confortant] la rémunération des créateurs et des entreprises des industries culturelles pour la diffusion de leurs ?uvres sur Internet » ; la mission confiée par le ministre de la Culture à Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerrutti constitue un véritable défi. À tel point qu'on se prend à redouter que l'ambition ne se trouve réduite au final à un ensemble de recettes maintes fois éprouvées.Il serait regrettable, en particulier, que la réflexion sur le partage de la valeur et « la question [soulevée par la lettre de mission ministérielle] des retombées, pour les artistes, des offres forfaitaires proposées par les fournisseurs d'accès à Internet », se limitent à l'idée d'une taxe sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès à Internet. Une taxe ne crée pas de valeur mais consiste simplement à partager l'existant, cela reviendrait à répartir une valeur constante ? voire décroissante ? plutôt que d'inscrire le Web dans une logique de développement vertueuse,Une taxe réduirait la capacité d'investissement des opérateurs, au moment même où on évalue les besoins pour la couverture de la France en fibre optique à environ 40 milliards d'euros au cours des trois à cinq prochaines années ; les transferts qu'une telle taxe instaurerait au bénéfice des créateurs risqueraient donc aussi de retarder la modernisation des réseaux appelés à distribuer leurs créations. Comme si l'État instaurait un prélèvement sur les gestionnaires d'autoroutes pour venir en aide aux constructeurs automobiles? au risque de voir l'infrastructure routière se détériorer progressivement.L'instauration d'une taxe sur les fournisseurs d'accès français laisserait enfin hors du périmètre d'intervention portails et moteurs de recherche ? Google, MSN, AOL ou Yahoo ?, qui attirent aujourd'hui l'essentiel de la valeur de l'univers numérique, sans réaliser aucun investissement dans le soutien à la création. Les différents projets de taxes reviennent ainsi à partager entre les opérateurs et les créateurs des recettes en diminution, sans commencer par se demander comment colmater la fuite !Trois pistes de travail permettent peut-être d'aller plutôt dans le sens des partenariats gagnant-gagnant et de la création de valeur :1 ? Permettre une meilleure valorisation des espaces publicitaires proposés sur Internet : la concurrence des multiples régies publicitaires, la cohabitation d'outils de mesure d'audience variés et la multiplication des indicateurs commerciaux ont plongé les annonceurs entre brouillard et tourbillon. Difficile dans de telles conditions de pouvoir hiérarchiser les différentes offres commerciales pour les remettre en concordance avec les objectifs de notoriété, d'image ou de développement plus direct du chiffre d'affaires ; il revient pour cela aux éditeurs, à leurs régies, aux annonceurs et à leurs agences de publicité de dégager de nouveaux standards de marché pour clarifier indicateurs de mesures et outils de commercialisation publicitaire. Avec l'aide de l'État le cas échéant pour impulser la réflexion.2 ? Faire payer l'internaute pour le contenu qu'il consomme : les nécessités nées de la crise économique et l'efficacité des modèles de micropaiement appliqués à l'univers des smartphones se sont conjuguées pour relancer la réflexion sur les possibilités de faire payer l'internaute pour les services et contenus qu'il consomme. Ainsi, cette rentrée 2009 voit par exemple « Libération » et « Le Figaro » lancer sur leurs sites des sections premiums payantes. L'implication des fournisseurs d'accès peut être précieuse pour aider à mettre en place à grande échelle de solutions de facturation et de recouvrement, développer l'économie du Web payant et dynamiser ainsi les ressources, dans un modèle gagnant?gagnant entre opérateurs et ayants droit.3 ? Assurer enfin l'équité entre les différents acteurs de l'univers numérique et donc faire en sorte que l'ensemble de ceux qui tirent bénéfice de la diffusion de contenus sur Internet contribuent de façon équitable à en supporter les coûts de production. À l'instar des contributions auxquelles les distributeurs audiovisuels sont déjà assujettis. Une application pleine et entière des dispositions de la loi Sapin sur la publicité et la mise en place éventuelle d'un dispositif comparable à celui de la contribution existante sur les dépenses de publicité hors média éviteraient que la domiciliation de certains acteurs hors des frontières nationales leur permette de contourner les dispositifs de contribution à la création.Ces propositions partagent un même objectif : refuser les visions malthusiennes pour mettre le Web dans une perspective de création de valeur au bénéfice de l'ensemble des acteurs. L'enjeu est de taille si l'on considère que l'économie de la création ne saurait demain se penser indépendamment des réseaux numériques qui assureront la diffusion des ?uvres.
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