Le 9 novembre 1989, le jour où l'histoire s'est faite

Il est 19 heures, ce 9 novembre 1989. Günther Schabowski, responsable de la communication du bureau politique du parti unique de la RDA, le SED, a annoncé, lors d'une conférence de presse à Berlin-Est, un projet de libéralisation des voyages à l'étranger. La salle, bondée de journalistes habitués aux atermoiements de la bureaucratie est-allemande, écoute poliment. L'un d'entre eux, un Italien, veut savoir quand prend effet la décision. Günther Schabowski bafouille. Il consulte le bref document. Le bureaucrate panique. « Immédiatement? Tout de suite », finit-il par lâcher. Ce seul mot jette des milliers de citoyens de la RDA dans les rues. Le mur de Berlin, bâti sous la protection des armes soviétiques trente-huit ans plus tôt et qui coûta la vie à 77 personnes qui voulurent le franchir, s'ouvre sous la pression de la foule. La suite est connue : la destruction du Mur, les files d'attente à la frontière, la réunification allemande le 3 octobre 1990, puis la fin de l'Union soviétique fin 1991. La fin d'un monde. Le « rempart de défense antifasciste », selon le langage officiel, était devenu le symbole du rideau de fer. La chute du premier fut le symbole de l'effondrement du second. Mais un immense pan était déjà tombé : dès le 2 mai 1989, la Hongrie avait abattu la ligne de barbelés qui marquait sa frontière avec l'Autriche. Déjà, à la mi-décennie 1980, le système soviétique se craquelle : le poids de la bureaucratie, la faible productivité, la course aux armements imposée par les États-Unis l'ont mis à genoux. L'appareil d'État sent la nécessité d'un changement ; c'est, à partir de 1985, la tâche de Mikhaïl Gorbatchev, qui décide de se débarrasser du poids des pays frères. En 1987, lors d'un discours à Prague, il demande à chaque démocratie populaire de prendre « sa propre voie ». En Hongrie et en Pologne, les bureaucraties locales ont compris le message. Pas en RDA, où tout semble figé. En mai 1989, les élections municipales sont, comme d'habitude, truquées. Insupportable pour les Allemands de l'Est, un mois avant les premières élections ouvertes en Pologne, ils comprennent que la réforme ne viendra pas d'en haut. Alors, les manifestations se multiplient tandis que 225.000 Allemands de l'Est fuient vers la RFA via Prague ou Budapest. Erich Honecker, le président de la RDA, reste de marbre : le 7 octobre, il entend fêter le quarantième anniversaire de la fondation du pays. La célébration tourne au fiasco. Les protestations sont géantes. Gorbatchev finit par lâcher Honecker, qui quitte le pouvoir le 18 octobre. Son successeur, Egon Krenz, tente « d'ouvrir une fenêtre », mais il déclenche la tornade du 9 novembre 1989, un point de non-retour. La victoire de la mobilisation populaire et pacifique, qui se répétera quelques jours après dans la Révolution de velours pragoise, a ôté aux régimes bureaucratiques toute maîtrise des événements. Elle n'a pourtant pas sonné la « fin de l'histoire ». En vingt ans, un nouveau monde a émergé. Ses défis, du terrorisme à la mondialisation économique, sont immenses. Mais cette commémoration de 1989 permet de se souvenir que, comme le disait Karl Marx, « l'histoire ne fait rien, c'est l'homme réel et vivant qui fait tout ».
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.