De Varsovie à Kiev, succès et ratés de la transition

Qui sont les gagnants et les perdants de la transition ?La transition à l'économie de marché n'a pas donné les mêmes résultats. Les pays d'Europe centrale et orientale ont mieux réussi que l'ex-Union soviétique à l'exception des pays Baltes. Dans les pays ayant réussi, on peut ranger la Pologne, la Hongrie, la République tchèque. Par comparaison, l'Ukraine ou la Russie ont raté leur transition, même si l'importance des ressources naturelles dont dispose la Russie peut donner l'illusion d'une certaine richesse. Quant aux pays intermédiaires comme la Roumanie ou la Bulgarie, ils étaient déjà à la traîne à l'époque du Conseil d'aide économique mutuelle.Comment expliquer de tels écarts ?La Pologne, la Hongrie, la République tchèque ont été identifiés comme des pays phares par l'Occident dès le début de la transition. Ils ont bénéficié d'un soutien financier important. Ces pays forment des entités politiques et culturelles anciennes. Ils ont fait preuve d'une grande combativité contre l'occupation soviétique. Ils disposaient également d'un tissu industriel assez diversifié. Le parcours de l'Ukraine est de ce point de vue très différent. Lorsque l'Ukraine s'est séparée de l'URSS en décembre 1991, le pays s'est posé la question de son devenir comme entité nationale. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) ne s'y est intéressée que beaucoup plus tard, avec des exigences bien moindres.La Pologne est le seul pays de l'UE à avoir échappé à la récession, alors que l'Ukraine voisine s'est effondrée. Pourquoi des trajectoires aussi différentes ?L'économie de marché est plus ancienne en Pologne avec l'émergence d'une industrie (charbon, métallurgie, textile puis chantiers navals) à partir de la moitié du XIXe siècle. Il existe donc un tissu de grandes entreprises pendant la période tsariste. L'agriculture n'a pas non plus été entièrement collectivisée après la Seconde Guerre mondiale, la Pologne ayant négocié avec l'Union soviétique un statut particulier pour ses agriculteurs. Il existait donc un terreau favorable au moment de la transition.Et l'Ukraine ?Elle n'a pas véritablement d'identité nationale. Ce pays a toujours été sous la coupe d'un autre qu'il s'agisse des Mongols, des Russes ou des Polonais. Aujourd'hui encore, le pays reste coupé en deux. L'est du pays, slavophile, est tourné vers la Russie, tandis que l'ouest aspire à se rapprocher de l'Europe. La classe politique ukrainienne est donc porteuse de divisions. Le concept d'intérêt national y est peu développé, comme en témoigne l'incapacité du président, Viktor Iouchtchenko, et du Premier ministre, Ioulia Tymochenko, à s'accorder sur les mesures nécessaires au déblocage de la deuxième tranche d'un prêt du FMI. La vraie différence entre la Pologne et l'Ukraine peut se résumer à une conception différente de l'intérêt national.Propos recueillis par Xavier Harel* Centre d'études prospectives et d'informations internationales.
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