Eiffage illustre les délicates successions dans l'industrie

Jean-François Roverato n'a plus le droit à l'erreur et il le sait. Le PDG d'Eiffage, qui vient de fêter ses 66 ans, s'était vu accorder en avril un sursis d'un an par ses actionnaires, avec l'obligation de se trouver rapidement un successeur. Une mission en principe accomplie. Le groupe de BTP a confirmé mercredi le choix de Pierre Berger, un transfuge de Vinci, comme directeur général délégué à compter de janvier 2011. Le 1er juillet, ce polytechnicien de 42 ans deviendra directeur général, Jean-François Roverato conservant, lui, la présidence non exécutive.En soi, cette transition n'a rien d'original. Un PDG charismatique qui cède le pilotage de son groupe mais garde un droit de regard sur son dauphin, le schéma s'est répété à maintes occasions ces dernières années chez les géants français de l'industrie. Mais le « cas Eiffage » n'en est pas moins symptomatique.Car ce n'est pas la première fois que Jean-François Roverato se choisit un successeur. En 2006, il avait confié la direction générale à Benoît Heitz, un homme issu de l'interne, avec lequel il se disait « en symbiose ». Huit mois plus tard, pourtant, le dauphin démissionne pour « convenances personnelles ». Erreur de casting ? Omniprésence d'un PDG réticent à lâcher son « bébé »? Chacun sa thèse. Mais cet échec fait peser une pression certaine sur le patron d'Eiffage.D'autant que cette succession est la dernière parmi ces patrons emblématiques qui ont marqué l'industrie française de la fin du vingtième siècle. Et ces transitions n'ont pas toutes été sans heurts, conditionnées par l'attitude du PDG vis-à-vis du dauphin et par celle de l'impétrant lui-même, notamment durant la phase de cohabitation.Certains passages de témoin sont unaniment jugés réussis. C'est le cas chez Schneider Electric, où Henri Lachmann a rapidement laissé une forte autonomie à Jean-Pascal Tricoire ou chez Lafarge entre Bertrand Collomb et Bruno Lafont. Mais aussi chez Pernod Ricard, entre Patrick Ricard et Pierre Pringuet. Ou bien chez L'Oréalcute;al : Lindsay Owen-Jones, le « perfectionniste » comme il se qualifie lui-même, a mis des années à se choisir un successseur, mais, une fois son dévolu jeté sur Jean-Paul Agon, il a vite lâché la barre. Mais pour d'autres, le choix s'est révélé cahotique, voire calamiteux. Chez Saint-Gobain, Jean-Louis Beffa s'y est repris à deux fois. En avril 2004, il désigne Christian Streiff, qui, depuis 25 ans, a gravi tous les échelons du groupe. Mais, un an et quelques maladresses plus tard, il est évincé au profit de Pierre-André de Chalendar. Lequel devra encore patienter deux ans avant de prendre les rênes. Chez Sanofi-Aventis, Jean-François Dehecq n'hésite pas. Son dauphin, c'est Gérard Le Fur, le patron de la recherche, nommé directeur général début 2007. Mais, au bout de dix-huit mois, les actionnaires le remplacent par Chris Viehbacher, venu de GlaxoSmithKline.Les modèles ne manquent donc pas pour Jean-François Roverato qui a eu largement le temps de les décortiquer. Mais, le patron d'Eiffage le sait aussi, la frontière est parfois ténue entre échec et succès.
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