Derrière les mots de Jean-Claude Trichet

STRONG>Véronique Riches-Flores, chef économiste chez SG CIBL'ampleur de la crise grecque a pris une nouvelle dimension dans la journée de jeudi. Jusqu'alors cantonnée à la question souveraine nationale, l'annonce de retraits très conséquents de dépôts des banques grecques a fait naître de nouvelles inquiétudes, cette fois sur la solvabilité des établissements bancaires du pays. Dans le sillage, les craintes sur l'exposition des banques occidentales, notamment françaises, sont également montées d'un cran et, de fil en aiguille, la propagation du risque est allée jusqu'à entamer la confiance à l'égard des pays d'Europe de l'Est. Dans un tel climat de contagion, alimenté qui plus est par des rumeurs en tout genre, il fallait qu'une autorité européenne calme le jeu. Si en principe, la BCE n'a pas de rôle direct à jouer sur la question de l'endettement public grec, Jean-Claude Trichet a par ses mots assumé le rôle politique qu'à l'évidence, les chefs d'État européens n'assument plus. En affirmant qu'un défaut de la Grèce est hors de question, le gouverneur de la BCE a comblé le vide politique. Il dit implicitement qu'en cas de problème aigu de refinancement de l'État grec, comme l'indiquent la flambée des taux et des CDS sur la dette grecque, les autres États ne le laisseraient pas faire défaut, et lui apporteraient leur soutien. Étant entendu, comme il l'a affirmé par la suite, que la Grèce ne sortirait pas de l'euro.Natacha Valla, économiste sur l'Europe chez Goldman Sachs à Paris Alors que Jean-Claude Trichet a été très impliqué dans les discussions politiques autour de la Grèce, en affirmant qu'un défaut de la Grèce est hors de question, il exprime implicitement une revendication d'un rôle actif de la BCE au sein de l'Union. Alors que ni l'Ecofin, ni le Conseil européen n'ont su, le 25 mars dernier, s'exprimer de façon assez claire pour convaincre les marchés d'une véritable solidarité des États vis-à-vis de la Grèce, il est louable qu'il l'ait fait. La vérité est qu'avec l'ampleur de l'exposition de banques sur l'État grec -la BRI évoque le chiffre de 80 milliards pour les banques françaises ! - un défaut de l'État grec ne serait pas sans effet sur le système bancaire européen. Avec les propos de Jean-Claude Trichet, on sait désormais que la Grèce trouvera l'argent nécessaire pour faire face à ses échéances immédiates d'avril et mai. La vraie question est : que se passera-t-il en 2011, lorsque la rigueur budgétaire pèsera sur la croissance ? La Grèce pourrait bien alors avoir à faire face à une vraie crise de solvabilité. Gabriel François, conseiller économique du groupe UFG-LFPDerrière les mots de Jean-Claude Trichet se cache toute la différence de nature entre une garantie liée aux circonstances et une garantie par construction, qui s'applique, elle, en toutes circonstances. En affirmant « un défaut est hors de question pour la Grèce », il suggère que les États européens, ensemble ou séparés, viendront au secours de la Grèce en cas de problème majeur. Une sorte de garantie à 99 %, en somme. Car on sait que Jean-Claude Trichet, qui adore l'euro, ne laissera pas tomber la Grèce, et partant la monnaie européenne, au premier coup de canon. Mais en disant au préalable « en fonction de toutes les informations dont je dispose », il refuse d'engager la Banque centrale pour cette garantie. Certes, le traité de Maastricht le lui interdit. Mais il doit savoir qu'une quasi-garantie est beaucoup moins efficace qu'une garantie absolue : si le marché a la garantie absolue qu'il pourra revendre les titres grecs, il n'aura aucune difficulté à les acheter. En 1994, c'est parce que la Bundesbank a affirmé que le franc c'était comme le deutsche mark, que tout risque a disparu en moins de 24 heures. L'expérience montre qu'une garantie absolue est une garantie qui n'a même pas besoin de jouer. Voilà pourquoi, s'il existe un risque sérieux que la Grèce fasse défaut, il fallait dire que l'on interviendra sans condition. Agnès Bénassy-Quéré, directrice du CepiiEn disant qu'un défaut de la Grèce est « hors de question », Jean-Claude Trichet ne dit pas que le traité de Maastricht exclut par principe le défaut d'un État, mais seulement qu'il serait contraire à l'accord du 25 mars des pays européens. Lequel prévoit, rappelons-le, une intervention conjointe des États membres et du FMI si cela s'avérait nécessaire. A la vérité, si la BCE a fait ce qu'il fallait pour soulager l'angoisse des banques très exposées sur la Grèce, en prolongeant sa politique d'assouplissement des règles en matière de qualité du collatéral, ce n'est pas elle qui peut directement venir au secours de la Grèce. Elle ne peut donc pas empêcher, à proprement parler, un défaut de paiement d'un État membre. A travers les propos de Jean-Claude Trichet on comprend donc que les pays européens sont a priori disposés à venir au secours de la Grèce. Mais dans quelles conditions ? Il ne le dit pas. La question reste ouverte car la méfiance à l'égard d'un partenaire de la zone euro qui a menti sur la réalité de son déficit reste très grande au sein de l'Union monétaire. Voilà pourquoi, sans doute, Jean-Claude Trichet prend grand soin de dire « en fonction de toutes les informations dont je dispose »...
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