L'éditorial de Sophie Gherardi. Le coup de Bartolone

Il y a des petits coups médiatiques, façon Vincent Peillon : le député socialiste avait prémédité un camouflet à la patronne de France 2 Arlette Chabot dans le but transparent de s'acheter un brevet d'antifascisme en refusant de débattre avec Marine Le Pen et Éric Besson.Il y a des coups en dessous de la ceinture, ces rumeurs sur la vie de couple de Nicolas Sarkozy qui saturent la Toile à la veille des élections. Il y a enfin des coups politiques dignes de ce nom, et Claude Bartolone vient d'en faire un magistral en présentant un budget en déséquilibre dans son département de Seine-Saint-Denis. Ce que la loi interdit. Mais le fabiusien devenu aubriste a plus d'un tour dans son sac. Ce n'est pas un déficit qu'il a inscrit dans le budget mais une recette virtuelle de 75 millions d'euros, qui correspond selon lui à ce que l'État doit à son département : 10 millions pour la taxe professionnelle supprimée, et le reste pour des charges transférées et non compensées (essentiellement l'allocation d'autonomie pour les personnes âgées, la prestation aux handicapés et le RSA). Débat de fondBartolone a soulevé là un vrai et grand débat. Depuis des décennies, l'État maquille ses comptes en transférant des responsabilités aux collectivités locales sans leur donner l'autonomie fiscale correspondante ; il se contente de promettre une compensation qui, soit arrive avec retard, soit ne suffit pas, soit ne suit pas dans la durée l'augmentation des charges. Tous les élus locaux se plaignent de ce jeu de dupes, et le gouvernement (de droite ou de gauche) esquive les critiques, voire les retourne aux envoyeurs : vous n'avez qu'à mieux gérer, à faire comme l'État qui, lui, fait des efforts...Arnaud Montebourg, président du conseil général de Saône-et-Loire, a choisi une tactique différente en attaquant l'État devant les tribunaux administratifs : en décembre 2009, le Conseil d'État lui a donné raison et lui a accordé 100.000 euros de dommages et intérêts concernant les subventions à la petite enfance.Et maintenant ?Claude Bartolone fait face à un problème plus considérable. Il dirige l'un des départements les plus pauvres de France, qui est un concentré des difficultés urbaines et sociales d'aujourd'hui, même s'il témoigne aussi d'un dynamisme dû à la jeunesse et à l'envie de réussir de sa population. La Seine-Saint-Denis croule sous toutes les urgences sociales, aggravées par la crise économique. Au lieu de pousser un cri de détresse ou de colère, Claude Bartolone crée un fait accompli qui va obliger l'État à réagir. C'est le préfet qui va devoir exercer sa tutelle et dire : il faut faire des économies là, et là, et là. Si au passage l'État taille dans des effectifs administratifs pléthoriques recrutés par l'ancienne direction communiste du département, ce ne sera pas la faute de Claude Bartolone, n'est-ce pas ?
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