Soixante-douze heures pour sauver l'euro

Le week-end passé aurait dû marquer la fin d'un mauvais rêve. Vendredi soir, les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro apposeraient à Bruxelles leur sceau sur le plan de sauvetage de la Grèce, permettant le versement à Athènes d'espèces sonnantes et trébuchantes. Lundi, l'Europe se réveillerait affranchie de la pression du marché.Mais les choses ont tourné autrement. Au lieu d'un tranquille épilogue, les dernières soixante-douze heures ont été une incroyable course contre la montre. Dès vendredi matin, il était clair que le sommet de l'eurozone ne serait pas une formalité. À l'Élysée, Nicolas Sarkozy consulte tous azimuts. Il veut donner forme au plus vite à un « mécanisme de soutien multilatéral ». En clair, un fonds monétaire européen qui permette de sauver de la faillite un membre du club. En contrepartie, on promet plus de rigueur budgétaire. La lettre cosignée avec Angela Merkel qu'il vient de publier évoque « pour l'avenir » des « options pour créer un cadre robuste pour la résolution des crises ». Mais elle a été rédigée en début de semaine. Or entre-temps, la crise grecque a viré au drame global. Alimentant le spectre de la contagion, la rumeur s'est répandue que l'Espagne était au bord de la rupture, précipitant la chute de l'euro, des Bourses européennes et même des monnaies mexicaine et argentine. Quand jeudi, de malheureuses « erreurs » firent décrocher Wall Street jusqu'à 9 %, le Grand Frère américain entre en scène. Le secrétaire d'État au Trésor, Timothy Geithner, convoque une conférence téléphonique du G7 pour le lendemain. Le président Obama appelle Berlin.pied de guerreVendredi matin, toute la planète politique est sur le pied de guerre. Le vote par le Bundestag de l'aide de 22,4 milliards d'euros à la Grèce, totalement inconcevable il y a deux mois, passe pratiquement inaperçu. Jean-Claude Trichet parle de « crise systémique » de l'euro. Nicolas Sarkozy arrive à Bruxelles en milieu d'après-midi avec comme feuille de route?: un mécanisme de soutien et un renforcement du pacte. Les réunions durent 4?h?30. Les projets successifs sont tous mis à la corbeille. Le dîner, qui devait commencer à 19 heures, refroidit dans les assiettes. À 20 heures, un diplomate allemand lâche?: « À part peut-être un Slovène, il n'y a personne au 8e », l'étage des séances plénières. Les chefs d'État et de gouvernement passent finalement à table... sans document. Le président du Conseil, Herman Van Rompuy, est prié de « prendre des notes ». Peu après, la rumeur d'une prise de bec entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy circule.« Lundi à l'ouverture des marchés, l'Europe sera prête à défendre l'euro », déclare finalement Nicolas Sarkozy dans la nuit de vendredi à samedi pendant qu'Angela Merkel quitte Bruxelles sans parler à la presse. Les Seize annoncent qu'ils vont créer l'impensable?: un fonds de soutien. Un conseil Ecofin extraordinaire est convoqué pour dimanche pour donner chair au projet. Il reste à peine plus de deux jours.dénouementSamedi, à Washington, le directeur général du FMI cale le déblocage dès le début de la semaine d'une première tranche de l'aide à la Grèce. Puis il s'envole pour la Suisse, où il doit rencontrer les banquiers centraux. Pendant ce temps, les travaux ont repris à Bruxelles. Dimanche vers 13 heures, José Manuel Barroso ouvre une réunion extraordinaire de la Commission européenne. Vers 15 heures, les ministres des Finances prennent le relais. En début de soirée, ils mettent la touche finale à leur « mécanisme de stabilisation européen », en espérant qu'il calmerait les marchés. Mais une chaise est restée vide?: celle du ministre allemand Wolfgang Schäuble, hospitalisé en urgence à Bruxelles après avoir mal supporté un médicament. Dimanche vers 18 heures, un accord est en vue, et Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s'entretiennent par téléphone, pour constater leur « accord complet sur les mesures » devant être annoncées dans la soirée.
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