Compagnies aériennes  : le grand gâchis

« Quelque chose ne va plus dans le modèle des compagnies aériennes », affirme l'auteur Jean-Louis Baroux, qui décrypte, dans son ouvrage, les pratiques étranges du secteur. Sur le banc des accusés : leurs responsables, qui ont tué le plaisir de voler, et ont détruit la valeur de leur produit. Avec le « yield management », la folie des classes tarifaires, la surenchère des taxes qui a déconnecté le prix affiché des prix réels des vols, les programmes de « frequent flyers » qui leur ont permis de maintenir le prix des classes supérieures à niveaux prohibitifs alors que 60 % des « miles » ne sont pas utilisables, l'escroquerie des « code share » - partages de codes - consistant à tromper le client sur ce qu'il croit acheter, les systèmes de réservations électroniques, le prix de la sécurité, le contrôle des « slots », ces créneaux de décollage ou d'atterrissage qui permettent de verrouiller la concurrence, l'inorganisation et la sous-exploitation d'un espace aérien atomisé, le pouvoir de nuisances des corporatismes, à commencer par celui des contrôleurs aériens ou des syndicats de pilotes, la course au gigantisme des hubs, ces plates-formes de correspondances, les coûts cachés des alliances et des fusions, la mauvaise liaison des aéroports avec les villes qu'ils desservent. Pour tout dire, les monopoles à tous les niveaux sont autant de vices cachés qui expliquent que les grandes compagnies nationales soient restées des gouffres financiers. L'explosion des low-cost, qui sont parvenues à gagner de l'argent avec des tarifs bien moindres, a révélé à quel point ces compagnies avaient perdu la qualité relationnelle avec leurs clients : une approche commerciale désincarnée, des prestations à bord de plus en plus pauvres, un personnel de plus en plus négligent, tout indique qu'un processus de dégradation a atteint toutes leurs parties vitales. Mais plus que tout, les compagnies ont souffert de la mainmise de la politique, de l'amateurisme de nombre de leurs dirigeants, du règne de l'irresponsabilité, et de la dictature des gains de parts de marché, sorte de pensée unique managériale du secteur. Sont-elles condamnées ? Pas sûr. Car, estime Jean-Louis Baroux, il demeure un secteur privilégié, fonctionnant sur un nombre limité de clients, moins onéreux au-delà de 500 kilomètres que les transports au sol, et où la marge de progrès, en particulier sur certains continents, reste importante. V. S. « Compagnies aériennes : la faillite du modèle », par Jean-Louis Baroux. Éditions L'Archipel, 239 pages, 18,95 euros.
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