La Semaine du goût fête ses 20 ans  ! Fini l'esbroufe, retour...

Le goût de la crise« La grande cuisine française m'emmerde ! » Une phrase choc, tirée d'une interview accordée en juin dernier par Joël Robuchon au magazine « L'Express » dans laquelle le chef exprime son ras-le-bol « des plats sophistiqués à l'extrême, des nappes matelassées, de l'argenterie, du ballet de trois garçons pour vous servir une assiette et des additions stratosphériques ». Les propos de ce chef, qui accumule vingt-cinq étoiles dans ses seize établissements internationaux, ont fait l'effet d'une bombe dans les cuisines françaises. Mais Joël Robuchon exprime ce que bon nombre de chefs et de gastronomes ressentent depuis longtemps. Et que certains mettent d'ailleurs en application, à l'instar d'Hélène Darroze, dans son restaurant parisien. « Les comportements des clients changent et leurs attentes par rapport à la gastronomie aussi. Le protocole n'attire plus, mais ce qui est bon, oui ! » remarque la jeune femme, qui a sensiblement modifié l'offre de sa table doublement étoilée.« Les formules à 250 euros par personne n'ont plus d'avenir. Il faut redevenir créatif, redonner du bonheur et renforcer la relation de confiance avec les clients qui s'était un peu distendue. » Du coup, plus de carte, mais un menu unique en fonction du marché et de l'humeur d'Hélène Darroze qui n'entend pas pour autant changer fondamentalement sa façon de cuisiner, mais « laisser tomber le superflu pour se concentrer sur [sa] cuisine et les rapports humains ». Même sur la carte des vins, la démarche change du tout au tout. Grâce à des partenariats avec ses fournisseurs, Hélène Darroze a entièrement revu sa politique de marge, ce qui lui permet de rendre les grands crus plus accessibles. « Je préfère diviser le prix des bouteilles par deux et que les clients puissent se les offrir que de voir celles-ci dormir dans la cave », ajoute la jeune chef. Plus de véritéMême son de cloche au Grand Véfour, chez Guy Martin. « On entre dans une période où ce que l'on achète, quel que soit le domaine, doit correspondre au prix payé. Ce qui veut dire moins d'esbroufe, mais plus de produits et de relationnel. Aujourd'hui, on va vers plus de vérité, vers une éthique de l'excellence. Ce qui peut s'exprimer de façon toute simple : des tomates de plein champ, en saison, avec une bonne huile d'olive. Cela n'empêche pas du tout le rêve. »« La crise du luxe ? Mais elle existe depuis trente ans ! constate Frédéric Robert, le chef étoilé de La Grande Cascade, à Paris. Nous avons dû nous adapter, changer de produits. Mais c'est aussi ce qui est intéressant pour un cuisinier. Mettre du foie gras, du turbot et des langoustines partout, c'est facile? Faire de bonnes recettes avec des produits moins nobles comme les maquereaux, les bulots ou les sardines demande plus d'imagination? » Alors, vive la crise ? En tout cas, elle aura permis non seulement aux cuisiniers de pouvoir exprimer différemment tout leur talent, mais les clients sont ravis de trouver des menus plus accessibles et ainsi de pouvoir s'offrir plus souvent quelques bonnes tables. « Et puis cela montre aussi un autre aspect de la cuisine aux plus jeunes, ajoute Frédéric Robert. Plus facile d'abord et moins guindée. La crise aura au moins eu un mérite : celui de nous faire bouger ! » Et de faire baisser les prix. Presque toutes les grandes tables proposent désormais des menus autour de 100 euros pour trois plats, avec les vins. « Il est essentiel de rendre la gastronomie accessible en baissant les prix et de conserver un service élégant, mais sans chichis », insiste Hélène Darroze.
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