Temps de cochon sur l'euro

Les marchés financiers préfèrent les brumes de Francfort au soleil de la grande bleue. Les voici qui s'inquiètent de la solvabilité du « Club Med », ce groupe de pays du sud de l'Europe que les traders appellent aussi les Pigs : Portugal, Italie, Grèce et Espagne (Spain en anglais). À cause de la crise et de leur prodigalité budgétaire, ces pays accumulent déficits et lourdes dettes, sans perspective de stabilisation prochaine. Les marchés redoutent donc un défaut de paiement qui fragiliserait la monnaie unique, à laquelle prennent part ces quatre États. Jusqu'à présent, ils croyaient que l'euro n'était qu'un surnom pour le deutsche mark ? autant dire de l'or, garanti de surcroît par une banque centrale sise dans la capitale de la rigueur. Ils découvrent aujourd'hui que l'euro a marié la carpe et le lapin en associant à la devise allemande des monnaies de singe ? la drachme grecque, la peseta espagnole et autres billets fort décoratifs qu'on adorait pour ses vacances et un peu moins pour ses investissements. Comme en 1992, lors des crises du système monétaire européen, les spéculateurs posent avec brutalité une question parfaitement justifiée : quand la bise vient, la fourmi est-elle responsable de l'inconséquence de la cigale ? Les Allemands et leurs finances publiques saines sont-ils d'accord pour faire les fins de mois du gouvernement grec, et peut-être demain régler la facture du « grand emprunt » sarkozyen ? Curieusement, cette question essentielle n'a pas été traitée lors de la création de l'euro. Or c'est l'existence même de l'union monétaire qui est en jeu. Conçue par beau temps, cette union a bien fonctionné durant ses premières années. Même la crise a semblé la légitimer, car l'euro « bouclier » a permis d'éviter l'explosion des changes qu'avait déclenchée la précédente récession. Mais la sortie de crise nous ramène à la réalité. Le corset de la monnaie unique n'efface pas les différences entre les pays, il les exalte, surtout lorsqu'il n'y a pas de transferts budgétaires et de mobilité de la main-d'?uvre. Si l'on évite la crise monétaire à l'intérieur, elle portera sur l'euro lui-même. Et c'est l'union monétaire qui tournera au? drachme. À ce problème, il n'y a que deux solutions. Soit davantage d'intégration, soit moins d'intégration, c'est-à-dire pas de monnaie unique. L'Europe se trouve face à un vieux problème : on ne peut être à la fois vierge et enceinte. À vrai dire, c'est arrivé une fois il y a longtemps, mais il serait hasardeux d'en tirer des conclusions. [email protected] françois lenglet
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