Les inégalités continuent de se creuser en Afrique du Sud

Zenariah Barends a toujours la voix qui tremble d'émotion lorsqu'elle se souvient de la journée du 11 février 1990. « J'ai accouru au centre-ville du Cap pour apercevoir Nelson Mandela, mon bébé de quatre mois dans les bras. Peu à peu, des milliers de gens se sont rassemblés sur la place centrale. La foule immense chantait, dansait dans l'euphorie. C'était un moment de joie si intense. Pour nous tous, Madiba ? son nom de clan ? représentait la liberté tant attendue. C'était aussi le signe qu'enfin un avenir meilleur se dessinait pour la majorité des Sud-Africains », témoigne cette ancienne militante du Front démocratique uni pendant les années d'oppression.Vingt ans plus tard, la plupart des espoirs de Zenariah ont été déçus. « Peut-être que mes rêves à l'époque n'étaient pas réalistes. Mais aujourd'hui pour beaucoup, peu de choses ont changé. » La nation arc-en-ciel s'est bien installée dans la démocratie. Mais sur les 50,7 millions de Sud-Africains, seuls 7 millions, composés par l'élite blanche et les « Blacks Diamonds », la nouvelle classe moyenne noire, ont des salaires confortables et un accès à l'éducation et à la santé. Au total, 43 % des habitants de la première puissance économique du continent vivent avec moins de 1,5 euro par jour, la majorité toujours dans les townships ou bidonvilles construits sous le gouvernement raciste.« Le pays est devenu l'un des plus inégalitaires au monde. Le revenu mensuel moyen des Noirs a augmenté de 37,3 % depuis 1994, tandis que celui des Blancs s'est accru de 83,5 %, constate Frans Cronje de l'Institut sud-africain sur les relations entre les races. Du coup, la colère gagne du terrain dans les communautés noires les plus démunies. Les performances des anciens combattants pour la liberté arrivés au pouvoir parviennent de moins en moins à les convaincre. »près de 50 meurtres par jourÀ la chute du régime ségrégationniste, le bain de sang et la guerre civile ont été évités grâce à Nelson Mandela et F. W. De Klerk. Mais aujourd'hui, leurs messages de paix et de réconciliation semblent bien souvent oubliés. Avec près de cinquante meurtres par jour, le pays a l'un des taux de criminalité les plus élevés au monde. « Nous traversons une profonde crise des valeurs. Ce n'est pas seulement la pauvreté qui explique une telle violence. Durant des décennies, la majorité des Sud-Africains ont été déshumanisés, traités comme des sous-hommes. Certains ont alors perdu le sens du bien commun », assure Aubrey Matshiqi, chercheur au Centre d'études des politiques publiques.La génération postapartheid a donc bien du mal à construire la nouvelle Afrique du Sud. Le système éducatif ne fonctionne pas et le pays manque cruellement de main-d'oeuvre qualifiée. Le fléau du sida ne fait que nourrir les inquiétudes sur l'avenir de la jeunesse. En 2015, près d'un tiers des enfants auront perdu un ou deux de leurs parents. L'Afrique du Sud est le pays le plus touché au monde.Pourtant, le Congrès national africain au pouvoir a réussi là où personne ne l'attendait. « L'une des plus belles prouesses de Nelson Mandela, c'est qu'il est parvenu à éloigner le spectre du marxisme et des nationalisations. Il a minimisé le rôle de l'aile gauche de son parti et l'ANC a su gérer une économie moderne et stable », se réjouit l'analyste Frans Cronje. Avec une croissance forte jusqu'à l'an dernier et un produit intérieur brut (PIB) de 216 milliards d'euros en 2008, l'Afrique du Sud s'est classée au 45e rang sur 133 pays du dernier index de compétitivité du Forum économique mondial. n
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