Les CDS, miroir déformant de réelles inquiétudes

Le débat sur le rôle des CDS (« credit default swaps ») souverains dans la crise grecque est devenu politique. En imposant aux Grecs de nouvelles mesures de rigueur, cette « spéculation sur les CDS » aurait des conséquences sociales et économiques importantes. Les CDS sont-ils à l'origine de la crise et sont-ils manipulés par les fonds spéculatifs, voilà désormais les deux questions récurrentes posées par les régulateurs et les autorités politiques. Ces instruments de couverture contre le risque de défaut d'un État posent en effet au moins deux problèmes de fond. Tout d'abord, conceptuellement, il est difficile de donner un sens économique à la vente d'une assurance sur un risque de défaut de paiement d'un État dans sa devise nationale sur les cinq prochaines années. Dans la théorie financière, le taux des obligations d'État est considéré comme la référence du taux « sans risque ». Toute la hiérarchie des rendements des autres actifs, plus risqués, s'organise autour de ce taux. Admettre, à moyen terme, l'existence d'un risque de défaut d'un État remet en cause par conséquent de nombreux modèles financiers. De fait, un État ayant la capacité de lever l'impôt peut toujours réaliser un prélèvement sur la richesse produite sur son territoire. La dérive des finances publiques est donc plus un risque pour les entreprises ou les ménages qui supporteront à terme des prélèvements supplémentaires que pour les créanciers de l'État.Dans ces conditions, un investisseur « rationnel » n'a aucune raison d'acheter une assurance pour se protéger contre un risque de non-paiement sur une obligation d'État à horizon de 5 ans. Ce type d'instrument n'est utilisé que par des investisseurs de court terme, ou traders, qui « couvrent ainsi leur portefeuille ». Il peut donc prendre des positions plus importantes et apporter plus de liquidité aux marchés. Le marché des CDS souverains est forcément, par nature, de petite taille et intéresse un petit nombre d'intervenants. Les investisseurs détenteurs de la dette souveraine (assureurs ou fonds obligataires) n'utilisent pas ce type d'instruments. Le coût de couverture pour ce risque hypothétique réduirait en effet sensiblement la rentabilité de leur portefeuille obligataire.Ensuite, la crise grecque pose le problème de la relation entre les marchés des produits dérivés et leurs sous-jacents. Une hausse du coût de protection contre le risque de défaut d'un État implique-t-il mécaniquement une hausse du coût d'émission sur les marchés par cet État ? Pratiquement, tant que la taille du marché des CDS est très limitée par rapport au marché sous-jacent, l'impact potentiel du marché dérivé est limité en termes de flux d'investissement. Mais, de fait, la taille du marché de la dette grecque est également limitée. Mais, cette crise ne s'explique pas seulement par les mouvements sur les CDS de la dette grecque. Depuis plusieurs mois, les investisseurs s'inquiètent du risque d'endettement des États et de la dérive possible des comptes publics. Le brutal écartement des CDS grecs a été seulement le « catalyseur » de ces craintes. Les CDS sont alors devenus, pour le marché, « un indicateur » à regarder pour les mouvements de change euro/dollar, la Bourse ou les taux des obligations grecques.Le marché des CDS est-il pour autant manipulé ? Clairement, l'étroitesse du marché des CDS pourrait permettre à des fonds d'imposer leur prix. Mais ces mêmes fonds sont dans l'incapacité de convaincre les investisseurs de focaliser leur attention sur un marché dont chacun connaît l'opacité et les limites. En revanche, ce sont bien des craintes bien réelles sur le niveau d'endettement des États qui ont sensibilisé les acteurs de marché sur l'écartement des spreads sur le marché du CDS et qui lui ont donné tout son impact psychologique.En réalité, les CDS ne font que traduire une inquiétude à l'instant des investisseurs, et ce sur du court terme, comme en son temps, le Baltic Dry Index sur le commerce international ou l'indice ABX sur la valorisation des titrisations subprime (dont l'évolution n'intéresse d'ailleurs plus grand monde). L'interdiction des CDS souverains pourrait donc avoir du sens d'un point de vue économique, mais il ne faut pas se faire d'illusion : ce n'est pas parce que le thermomètre n'existe pas qu'il n'y a pas de risque de fièvre...Point de vue Christian Parisot Chef économiste, Aurel BGC
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