« Les cartes d'identité électroniques arriveront en France en fin d'année »

STRONG>Vous avez retiré Oberthur Technologies de la Bourse en 2008. N'est-ce pas un handicap de ne plus être une société cotée, surtout pour un groupe familial ?En termes de notoriété, si, un peu. Mais la Bourse ne répondait plus à sa fonction, à savoir permettre de lever des financements, et la cotation engendrait trop de coûts pour une faible valorisation. En revanche, nous avons gardé la discipline d'une société cotée. Ainsi, la majorité de nos administrateurs sont indépendants. Notre objectif a toujours été de développer le groupe et de réinvestir. Nous avons pris des risques, sans tabou sur la structure du capital, dès lors que l'objectif de développement était préservé. C'est pour cela que nous sommes allés en Bourse... puis que nous en sommes sortis.On parle beaucoup du paiement sans contact, mais ne peine-t-il pas à décoller en France faute de modèle économique entre les opérateurs de télécommunications, les établissements financiers et les fabricants de mobiles ?La collaboration est au contraire extrêmement forte entre les opérateurs télécoms et les banques. Le projet pilote lancé à Nice en mai 2010, et dont nous sommes l'un des acteurs principaux en tant que fabricant de cartes SIM, a servi à définir des standards pour le déploiement de la technologie NFC (Near Field Communication) de paiement sans contact par carte ou par téléphone mobile. De plus, Orange a annoncé qu'il déploierait 500.000 téléphones NFC en 2011. Nous sommes à la veille de la révolution du sans-contact, avec les téléphones et les cartes de paiement. La France est plutôt en avance sur un certain nombre de pays. Les pouvoirs publics, sans qui l'expérience de Nice n'aurait pas été possible, viennent d'apporter leur soutien au déploiement dans neuf villes supplémentaires. C'est parti !Quelle leçon tirez-vous du paiement sans contact à Nice ?Il y avait auparavant deux écoles pour le système de reconnaissance et de paiement, le « trusted service manager » (TSM). Certains étaient pour un TSM central, avec une logique de logiciel propriétaire. Nous avons oeuvré pour un système interopérable avec des TSM décentralisés chez les différents acteurs (banques ou opérateurs télécoms). Les États-Unis qui étaient partis sur un système propriétaire en reviennent aujourd'hui. Un standard ouvert et interopérable, certes plus compliqué à mettre en place au démarrage, permet de développer le marché plus rapidement.Quel potentiel recèle encore le paiement par cartes à puce, à savoir la technologie EMV ?Notre chiffre d'affaires lié aux cartes à puce a augmenté de 3 % seulement en 2010, comme l'ensemble du marché. Cette évolution masque toutefois une nette reprise de la croissance au second semestre. Reprise qui se confirme et devrait permettre au chiffre d'affaires global d'Oberthur Technologies de progresser de plus de 10 %, en 2011. La grande question est de savoir si et quand les États-Unis, qui utilisent des cartes magnétiques, adopteront la technologie EMV. Nous sentons un frémissement. Nous sommes encore loin d'un véritable point d'inflexion, bien que, depuis dix-huit mois, des réseaux bancaires américains fournissent des cartes EMV à leurs clients qui se déplacent à l'étranger. Le principal moteur du développement de la technologie EMV aux États-Unis sera la fraude au paiement, le risque étant plus important avec la carte à piste magnétique.Comment gérez-vous la pression à la baisse des prix de vente des cartes à puce, alors que les coûts de production ne diminuent pas ? Ne risquez-vous pas de délocaliser une partie de votre production ?Il serait irresponsable de garder en France une activité qui n'est pas compétitive. Pour demeurer compétitif, il faut continuer à innover et à investir. C'est ce que nous faisons. Ce qui nous permet d'être créateurs nets d'emplois en France, où nous employons quelque 2.000 personnes, sur un effectif de 6.800 collaborateurs. Nous avons des usines à Vitré (Ille-et-Vilaine), Dijon, Rennes, et une grande partie de nos équipes de recherche et développement se trouve à Nanterre (Hauts-de-Seine).Parmi les leviers de votre croissance, il y a l'identification...La fourniture de documents d'identité sécurisés constitue le plus fort potentiel de croissance à moyen terme. Cette activité, qui représente 10 % de nos revenus, aura doublé son chiffre d'affaires entre 2009 et 2011. Pas moins de 3 millions de passeports et plus de 6 millions de cartes d'identité sont émis chaque année en France. Or les pièces d'identité deviennent électroniques. Et le gouvernement est sensible au développement de cette technologie alors que les deux champions mondiaux sont français [Gemalto et Oberthur sont respectivement numéros un et deux mondiaux, Ndlr]. Le projet de loi sur la carte d'identité électronique doit être examiné en avril au Sénat et en mai à l'Assemblée nationale. Les premières cartes, a priori dotées de deux puces, devraient faire leur apparition en France avant la fin de l'année.Votre tentative de rachat du britannique De La Rue a échoué cet hiver. Est-ce que cela remet en cause votre stratégie dans le fiduciaire, l'impression de billets de banque ?Le fiduciaire, qui représente 15 % de notre chiffre d'affaires, a vu son activité grimper de 34 % en 2010. Les seuls revenus liés aux billets de banque ont bondi de 50 %, et devraient avoir doublé entre 2009 et 2011. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la circulation fiduciaire en Europe affiche une croissance annuelle (7 %) supérieure à celle des paiements électroniques (4 %). Le cash est très pratique, gratuit et son usage est facilité par le développement des distributeurs automatiques de billets dans les pays développés. Dans les pays émergents, peu bancarisés, le marché des billets de banque est porté par la croissance économique et l'inflation. Numéro trois mondial derrière le britannique De La Rue et l'allemand Giesecke & Devrient, nous continuons à gagner des parts de marché. Nous sommes toujours en phase d'investissement de capacités. Entre 2010 et 2011, nous aurons investi 30 millions d'euros à Rennes dans notre usine d'impression de billets de banque et créé une centaine d'emplois industriels.Mais pourquoi avoir renoncé à racheter De La Rue ?Nous n'avons pas trouvé d'accord avec De La Rue sur le prix d'acquisition, après leur avoir proposé un peu plus de 1 milliard d'euros. Or, en tant qu'entreprise familiale (mon père, mes deux soeurs et moi-même sommes les actionnaires), nous ne sommes pas disposés à surpayer des actifs. Cela dit, nous restons convaincus de la pertinence d'une intégration verticale avec un fabricant de papier, et continuerons à examiner des opportunités en France, aux États-Unis, en Suisse ou en Slovénie. Nous avons les moyens de procéder à des opérations de croissance externe mais nous n'avons pas de dossiers à l'étude pour le moment.Retrouvez l'integralité de cet entretien dès 11 heures sur latribune.f
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