Changement de pouvoir sans illusion aux Philippines

Le sénateur philippin Benigno Aquino semblait en bonne position pour remporter l'élection présidentielle qui s'est tenue lundi aux Philippines, concomitamment avec le renouvellement d'une partie du Congrès, du Sénat et de mandats locaux. Avec 40 % des votes, le fils de l'opposant à l'ancien dictateur Marcos semblait devoir prendre les rênes de cet État de plus de 90 millions d'habitants. Sauf coup de théâtre toujours possible car le pays a inauguré un système de vote informatisé mal maîtrisé. L'actuelle chef de l'État, Gloria Macapagal Arroyo, semble, elle, devoir payer ses échecs tant en matière de lutte contre la corruption - les Philippines sont classées 139e sur 180 pays selon Transparency International -, que d'éradication de la pauvreté (un tiers des Philippins vivent sous le seuil de pauvreté).Faute d'une gouvernance à la hauteur, « le pays se marginalise et se fragilise », estime Sophie Boisseau du Rocher, chercheur à Asia Centre à Paris, auteur de « l'Asie du Sud-Est prise au piège » (Perrin, 2009). La croissance s'est limitée à 0,9 % en 2009 et le déficit budgétaire se creuse (6,5 milliards de dollars). Les infrastructures sont déficientes et les dépenses de R&D trop faibles pour permettre aux Philippines d'espérer lutter contre la compétitivité de la Chine toute proche. « Les Philippines sont en voie de désindustrialisation », s'alarme Sophie Boisseau du Rocher. D'autant que le pays peine à attirer les investissements directs étrangers : ils n'atteignaient que 1,5 milliard de dollars il y a un peu plus d'un an, soit cinq fois moins qu'en Malaisie, en Thaïlande ou au Vietnam. défisPour le probable futur président, bien né mais dont les intentions économiques et politiques restent encore assez mystérieuses, les défis sont immenses. Il devra réformer l'agriculture, tellement archaïque que le pays est contraint d'importe son riz ; mettre en oeuvre une politique industrielle créatrice d'emplois pour faire face à l'accroissement démographique (150 millions de Philippins prévus en 2030) ; et réengager le dialogue avec les opposants communistes et la fronde musulmane. L'actuel ministre des Finances, Gary Teves, recommande d'augmenter la TVA de 12 % à 15 % pour permettre à l'État d'investir dans les infrastructures. Mais si cette hausse est « nécessaire », sa collecte serait difficile du fait de « la corruption institutionnalisée », a commenté Marvin Fausto, gestionnaire d'actifs chez Oro Unibank. Si son élection se confirme, Benigno Aquino sera-t-il l'homme de la situation ? « Il n'a ni la vision, ni le programme, ni l'audace de traiter les problèmes qui hypothèquent l'avenir des Philippines », considère Sophie Boisseau du Rocher.
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