Accord sur l'emploi : le projet de loi Sapin joue la carte du compromis

Le travail gouvernemental était ardu : retranscrire le plus fidèlement possible dans un projet de loi l’accord interprofessionnel du 11 janvier réformant le marché du travail. Un mois après, c’est fait, « l’avant-projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi » existe (cliquer ici pour consulter le texte). Il va maintenant donner lieu a une vaste concertation et va être soumis pour avis au Conseil d’Etat, avant d’être adopté en Conseil des ministres le 6 mars.Un pensum de 47 pages, dont 13 pages consacrées à un exposé des motifs, 18 articles, dont un (l’article 13 relatif aux procédures de licenciements collectifs économiques) qui à lui tout seul nécessite 9 pages… Il faut dire que ce sont des pans entiers du Code du travail qui sont concernés : procédures de licenciements, chômage partiel, accord de maintien dans l’emploi en cas de difficultés économiques, droits rechargeables à l’assurance chômage, représentation des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises, etc.La loi renvoie à des négociations de branche ou d\'entrepriseLe diable se nichant toujours dans les détails, le ministère du Travail a tenu à préciser « qu’il avait fallu clarifier et trancher sur ce qui pouvait paraître ambigu, voire contradictoire ». Et d’insister sur le fait que « le travail de ces quatre semaines a été fait dans un double esprit de loyauté envers les signataires et de transparence et d’écoute envers les non signataires (CGT et FO) qui ont été aussi consultés ».Une précision utile alors que dès la fin de la semaine dernière les polémiques ont démarré, émanant surtout du Medef, sur la façon dont le gouvernement allait transcrire l’accord signé par le patronat et les trois syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC. Pourtant, à la lecture – fastidieuse- du texte, in fine, il n’y a plus vraiment à polémiquer tant les rédacteurs de cet avant-projet de loi se sont montrés prudents, laissant une grande marge de manœuvre aux branches et aux entreprises, via des accords.Par exemple, sur la généralisation de la couverture complémentaire collective « santé » à tous les salariés de toutes les branches, prévue par l’accord, le Medef s’était insurgé en considérant que l’avant-projet de loi introduisait une « clause de désignation « permettant aux branches de désigner un prestataire au dépens du libre choix des entreprises ».En réalité, à la lecture de l’article 1 du projet, on découvre qu’il revient à chaque branche de choisir comme bon lui semble, ce prestataire : désignation par la branche, simple « recommandation » de la branche ou libre choix laissé aux entreprises.Même chose pour l’article 6 instituant des « droits rechargeables dans le cadre de l’assurance chômage ». La rédaction de cet article avait également déclenché le courroux du Medef, qui rappelait que ces droits rechargeables ne seraient créés qu’après étude d’impact sur les finances (en mauvais état) de l’Unedic. Or, comme le rappelle l’exposé des motifs, l’article 6 ne fait que poser le « principe et les bases juridiques » pour ces droits rechargeables. En revanche, les paramètres et les modalités pratiques devront être déterminés par les partenaires sociaux lors de la renégociation, fin 2013, de la convention d’assurance chômage. L’impact sur les finances du régime seront donc évidemment prises en considération.Le même raisonnement prévaut pour la désignation des représentants de salariés (avec voix délibératives) dans les conseil d’administration des entreprises de plus de 5.000 salarié. L’avant-projet de loi prend bien soin de proposer aux assemblées générales d’actionnaires toute une palette de possibilités pour désigner les représentants.Licenciements collectifs économiques : le contentieux dépendra du juge administratifEn revanche, il est exact que sur certains points, le gouvernement a été amené à trancher sur des aspects de l’accord restés flous. Ainsi, dans le fameux article 13 du projet de loi qui réforme en profondeur le droit du licenciement économique collectif. A la suite de l’accord du 11 janvier, une entreprise qui souhaite procéder à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE, en cas de licenciement de plus de neuf salariés) peut procéder de deux façons :- soit la procédure de licenciement collectif peut faire l’objet d’un accord majoritaire (accord signé par des syndicats représentant au moins 30% des salariés). Un tel accord prévoyant le contenu du PSE et fixant les différents délais. Une fois conclu, cet accord doit donner lieu à une validation de l’administration dans un délai de 8 jours pour s’assurer qu’il est conforme aux dispositions législatives ;- soit, autre possibilité, le PSE fait l’objet d’un document unilatéral de l’employeur, après consultation du comité d’entreprise. Dans ce cas, ce document devra être homologué par l’administration (les Directions régionales des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi [Directes] seront seules compétentes) qui doit se prononcer dans un délai de 21 jours. Le gouvernement a décidé que ce délai de 21 jours commencerait à courir après la consultation du comité d’entreprise. C’est-à-dire à un moment où le contenu du PSE sera déjà connu. Le Medef, lui, souhaitait que cette homologation intervienne en amont…Le contentieux sur la réalité du caractère économique du licenciement n’est pas abordéToujours sur ce sujet, le gouvernement -c’est de sa compétence- a décidé que tout le contentieux sur le contenu du PSE (son insuffisance notamment) serait de la responsabilité du juge administratif. En revanche, le salarié licencié pourra toujours contester son licenciement dans sa dimension individuelle (notamment sur l’absence de motif économique réel) devant le conseil de prud’hommes.Ainsi donc, au grand dam de certains syndicats comme la CGT, ni l’accord du 11 janvier ni le projet de loi ne revient sur l\'épineuse question du moment où peut intervenir la contestation du caractère économique d’un licenciement. Le statu quo demeure : le caractère économique d’un licenciement ne peut donc toujours être contesté que… postérieurement à ce licenciement (jurisprudence Viveo).Au ministère du Travail, on estime cependant que la procédure de l’homologation ou la nécessité de parvenir à un accord majoritaire pour élaborer un PSE va forcément pousser les entreprises à la prudence. « C’est notre façon d’apporter une réponse aux licenciements dits boursiers dans les entreprises rentables », relate un proche du ministre.A noter aussi que le projet de loi prévoit, en cas de fermeture d’un site sans projet de cession, l’entreprise aura désormais l’obligation de rechercher un repreneur et elle devra informer le comité d’entreprise (qui pourra se faire assister par un expert) de ses démarches.En revanche, le projet de loi ne traite pas de la question d’une éventuelle offre de reprise refusée par l’entreprise. A la veille de la manifestation des \"Goodyear\" ce mardi, François Hollande a cependant confirmé que ce point fera l’objet d’une proposition de loi spécifique ultérieurement. 
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