L'éditorial de Valérie Segond

Au commencement, Google créa un moteur de recherche inégalable à partir d'un algorithme génial et d'un système d'indexation exhaustif. Ce fut sa première rente. Au deuxième jour, il créa un modèle économique parfait, monnayant l'audience illimitée de son moteur de recherche gratuit par la mise aux enchères de mots-clés auprès d'une infinité d'annonceurs. Ce fut sa deuxième rente. Tout entrepreneur rêve de posséder l'innovation radicale qui lui assurera une rente providentielle, des profits généreux et un avenir radieux. Mais quand il en a deux qui se nourrissent l'une l'autre, et lui assurent la maîtrise quasi totale d'un marché qu'il a créé ex nihilo, et dont plus personne ne peut se passer, il n'a plus besoin d'attendre le septième jour pour se reposer. Disons, en termes moins génésiaques, qu'il a porté la position dominante à une échelle telle qu'elle semble imprenable. Google, planétaire et protéiforme, ubiquitaire et confesseur des consciences par milliards, a élevé la barrière à l'entrée à un niveau tel qu'il ne paraît attaquable ni par la face nord, le moteur, ni par la face sud, les liens commerciaux. Si Facebook commence néanmoins à grignoter la toute-puissance de son modèle, une surveillance vigilante de Google, sous l'angle concurrentiel notamment, est devenue aussi indispensable que difficile à exercer, tant il est maître de sa créature et de ses extensions. Il n'y a qu'à voir la profusion de plaintes déposées devant la Commission européenne, devant les autorités antitrust en Allemagne, en Italie et en France, sans oublier les enquêtes menées par le ministère de la Justice américain sur l'exclusivité des droits d'auteur pour la numérisation des livres, ou par l'autorité de la concurrence en France sur le marché de la publicité en ligne, pour comprendre que le soupçon d'abus est partout. Et que, dans cette vie numérique où l'innovation a bouleversé nos marques et nos doctrines, chacun, au sommet de l'État comme dans le coeur des gendarmes, est contraint de se refaire une religion. [email protected]
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