Les élus locaux aux prises avec un « climat délétère »

Il y a les appels téléphoniques, sporadiques. Des citoyens un peu énervés qui téléphonent à leurs élus pour leur expliquer à quel point ils sont « tous pourris ». Récemment, l'assistante de Michel Piron, élu UMP du Maine-et-Loire, en a reçu. « Cela reste heureusement rare », souligne le député, conseiller général et président de la communauté de communes des coteaux du Layon (douze communes regroupant 14.000 habitants). Pour l'élu angevin, le plus préoccupant n'est pas là : « Ce qui me frappe et ce dont je me méfie beaucoup, c'est le silence. Les gens se taisent », s'inquiète Michel Piron, redoutant que le contexte actuel et « l'image déplorable des élus qui est ainsi donnée » ne serve l'abstention « et le Front national, dans les terres beaucoup moins modérées que celles de l'Ouest ». Le climat des « affaires » politico-financières pèse sur le quotidien des élus locaux, par définition en première ligne face aux administrés. « L'ambiance générale qui associe corruption à la politique ne peut que rejaillir sur eux », confirme Philippe Laurent, maire divers droite de Sceaux (Hauts-de-Seine), qui raconte : « récemment, j'animais une réunion sur le plan local d'urbanisme. Un habitant s'est levé et a assuré que de toutes façons, je ferai ce que je voudrais parce que la mairie avait partie liée avec tous les promoteurs comme partout. Evidemment, quand je lui ai demandé de préciser ses propos, il n'a rien pu ajouter. Mais la suspicion était lancée ». « Il y a un malaise et je le ressens dans ma ville. Les gens m'interpellent ?Où on va ?? ?Qu'est ce qui va se passer ?? », témoigne le maire socialiste de Marmande (Lot-et-Garonne, 18.000 habitants) Gérard Gouze. Selon l'élu, « le plus grave est que les gens se sont habitués à ce climat de corruption, ils finissent par trouver ça banal ». Les gens sont en fait profondément désabusés, ils ne croient pas à une solution politique. A tel point que, pour Gérard Gouze, un remaniement ministériel n'aurait qu'un faible impact sur ce malaise : « pour eux, de toutes façons, tout ce qui est au-dessus de l'élu de proximité navigue en eaux troubles ». « Ce phénomène n'est pas nouveau, le climat est délétère depuis des années », nuance François Grosdidier, député-maire UMP de Woippy (13.700 habitants), en Moselle. « Aujourd'hui, les gens sont titulaires de droits avant d'être des citoyens. Ils portent un regard très sévère sur leurs élus, et leur renvoient l'argument du ?tous pourris? à la moindre contrariét頻, explique l'élu mosellan. « Les gens acceptent de moins en moins les décisions prises par une autorit頻, renchérit Philippe Laurent. « Si on leur refuse une place en crèche, ils vont tout de suite contester la décision et suspecter un arrangement entre la mairie et le voisin qui en a obtenu une. » Difficile donc pour les maires de ne pas avoir du vague à l'âme. Surtout les ruraux, « qui ont l'impression de se dévouer pour même pas un Smic horaire », souligne François Grosdidier. « Je reconnais qu'il faut avoir des convictions », estime Michel Piron, qui se dit malgré tout optimiste : « les gens ont besoin d'une perspective, ils attendent un peu de sens ».Aglaé de Chaluset Stéphanie Tisserond
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