« Les grandes nations scientifiques font leur shopping en France »

STRONG>Une étude de l'Institut Montaigne estime que le départ des chercheurs français vers les Etats-Unis s'accélère. Partagez-vous ce constat ? Notre pays a accumulé au cours des décennies un déficit d'attractivité important non seulement par rapport aux Etats-Unis, mais aussi désormais par rapport à certains pays européens, et bientôt la Chine ou Singapour qui investissent intensément dans l'économie de la connaissance. Le départ (ou non-retour après leur doctorat) de nombre des meilleurs jeunes chercheurs français, non compensé par une arrivée équivalente de chercheurs titulaires d'un poste d'une grande université internationale, est un lourd handicap en termes de créations d'emplois dans les secteurs porteurs de l'économie, et de formation des étudiants et futurs chercheurs. Notre pays dispose de beaucoup de « capital humain », mais dans notre monde globalisé, les grandes nations scientifiques y font, de plus en plus, « leur shopping ».Quelles préconisations faites-vous pour retenir les chercheurs en France ? Le déficit d'attractivité concerne les conditions matérielles, bien sûr, mais aussi beaucoup d'autres aspects cruciaux pour un chercheur : des structures de gouvernance inappropriées, le mille-feuille des institutions et des sources de financement, etc. Les réformes récentes (autonomie des universités et autres réformes structurelles) et l'arrimage du grand emprunt à une logique d'excellence me rendent cependant optimiste. Les entreprises, elles-aussi, me semblent prêtes à s'engager ? sans compromettre l'indépendance du chercheur ? pour que notre pays ait sa place parmi les grandes nations de la recherche. Notre groupe toulousain profite de ces nouvelles opportunités pour pratiquer le « reverse brain drain » en économie, et demain nous l'espérons dans les sciences humaines et sociales.Justement, que représente pour vous cette annonce du prix Claude Lévi-Strauss ?Il me touche à plusieurs titres : la reconnaissance personnelle bien sûr, mais aussi le symbole (Claude Lévi-Strauss, dont les travaux ont, comme pour beaucoup d'autres, marqué mes années lycéennes), et puis le fait que ce soit un prix en sciences humaines et sociales, car je crois fermement à l'interdisciplinarité dans ce domaine. Propos recueillis par Éric Chol(*) Jean Tirole est président de Toulouse School of Economics (TSE), et lauréat de la deuxième édition du prix Claude Lévi-Strauss. Jean Tirole Président de TSE (*)
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