Climat  :  la décroissance peut-elle être une solution crédible  ?

Pierre RabhiOUIElle doit être considérée comme un nouvel art de vivre.L'équation est simple : nous vivons sur une planète aux ressources finies mais nous basons notre mode de vie sur le mythe d'une croissance infinie. Il faut se rendre à l'évidence : nous ne pourrons pas poursuivre dans cette voie, dans ce pillage inintelligent, sans aboutir à un désastre. La croissance n'est pas le remède, elle est le problème. Le pire, c'est que ce culte du « toujours plus », qui engendre une prédation absurde, ne nous rend même pas heureux : il se traduit par une aliénation humaine. Quand on voit tout ce que nous coûte ? en argent, en temps, en effort, en stress, en conflit ? notre pseudo-confort de vie, le jeu n'en vaut vraiment pas la chandelle ! C'est pourquoi la décroissance doit être considérée, non pas comme un nouvel intégrisme ou une régression, mais bien comme un nouvel art de vivre, fondé sur ce que j'appelle la « sobriété heureuse ». Tout cela passe nécessairement par un changement de paradigme. Les politiques doivent enfin prendre en compte les réalités de la planète et placer l'écologie au c?ur de leur action. C'est notre survie qui dépend de la planète, et non pas l'inverse? Il existe aussi d'autres façons de penser l'économie et de pratiquer les échanges, de manière plus équitable. Il faudrait donner la priorité à la relocalisation de la production : les humains doivent répondre à leurs besoins par les moyens qu'ils se sont donnés, là où ils vivent. Mais tout cela passe également par un changement de nos comportements, qui va bien évidemment au-delà des écogestes, trop souvent encore dictés par la peur. Il s'agit désormais d'avoir la certitude qu'un changement de l'être humain est indispensable. Chacun d'entre nous doit être interpellé personnellement et personnellement responsable. Le moment est propice : le changement climatique lié aux activités humaines est démontré. Il peut aider à cette insurrection des consciences que j'appelle de mes v?ux, même si je n'attends pas grand-chose de ces grandes messes internationales comme Copenhague. C'est une diversion de la seule vraie question que l'on doit se poser aujourd'hui : peut-on continuer à mener une guerre contre la nature sans risquer de voir l'espèce humaine disparaître ? C'est une question terrible alors que nous avons pourtant les moyens de vivre heureux sur une planète merveilleuse. nLa crise environ- nemetale relance le thème de la décroissance, cantonnée jusqu'ici à quelques cercles radicaux. Les Verts ne sont plus effrayés de la thématique et tout le monde, de la droite à la gauche, réfléchit à une « autre croissance ». Le chef de l'État, Nicolas Sarkozy, rejette la décroissance mais plaide pour une croissance durable. L'ancien Premier ministre, Alain Juppé, a fait l'éloge de la « sobriét頻 avant le sommet de Copenhague. De son côté, le Parti socialiste défend l'idée d'une croissance « sélective » Et les économistes sont de plus en plus nombreux à prédire un modèle sans croissance. Faut-il s'en féliciter ou, au contraire, le redouter ? propos recueillis par Éric Benhamou NONMathieu LaineAvec la crise et le catastrophisme entretenu autour du climat, le mythe de la décroissance heureuse est de retour. Le propos est toujours le même depuis les années 1970 : notre désir du « toujours plus » nous engagerait dans une impasse sociétale et environnementale. Du progrès technique devenu supposément inopérant à une remise en cause de l'utilité de la croissance en passant par l'affirmation que l'augmentation des revenus ne rend pas les hommes « plus heureux », les arguments fusent de toute part pour prôner cette décroissance systémique. Si personne ne peut reprocher à quelqu'un d'être décroissant à titre individuel, ce nouveau projet de société ressemble fort à celui d'un enfant gâté par des décennies de croissance et qui souhaiterait fermer la porte du progrès derrière lui. Nous avons, ne l'oublions pas, connu une longue page « d'histoire immobile », de l'an mil au début de la révolution industrielle lorsque la croissance ne dépassait pas les 0,05 %. De cet équilibre du néant, aucun progrès n'a véritablement surgi. La croissance est non seulement un objectif de bien-être mais elle est surtout porteuse de démocratie, de paix et même de protection de l'environnement. Elle lui doit le recul de la pauvreté dans le monde, l'allongement de la durée de la vie humaine, l'égalité des femmes, la conquête du temps et de l'espace, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Des travaux ont ainsi démontré que la propriété privée était un remède efficace contre les bidonvilles ou que le marché du carbone était un puissant stimulant à l'innovation. Et comment ne pas redouter les millions de pertes d'emplois qui ne manqueraient pas d'accompagner un monde sans croissance, comme on a déjà pu le constater depuis 2008 avec le brutal ralentissement de l'économie. La décroissance est porteuse des pires dérives dans un monde de contraintes et de privation de liberté. Et le vrai danger aujourd'hui, c'est qu'elle exerce une influence croissante, insidieuse, sur la vision de nos hommes politiques On préfère le principe de précaution au risque, la taxation au travail, la réglementation à l'innovation, la morale à la liberté. Laissons chacun vivre comme il l'entend. Car si la croissance ne fait pas le bonheur, elle y contribue fortement. nDe l'équilibre du néant, aucun progrès ne peut surgir.
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