Pédagogie de crise

On est presque un peu déçu. Quoi, une réforme du lycée et rien ne bouge ? Il y a bien eu une pétition courroucée d'universitaires, parce que l'histoire devient matière optionnelle en terminale S, mais le grand soulèvement n'a pas suivi. Renseignements pris auprès de quelques survivants de l'âge d'or, il n'y avait pas d'histoire au bac pour les sections maths-sciences dans les années 1970 ? là, il y aura histoire au bac pour tous, en fin de première. À noter que personne ne s'alarme de l'absence d'enseignement scientifique pour les élèves de terminale L. Plus surprenant est le calme complet qui entoure l'enseignement de l'économie. Il y a quelques années, de furieux débats avaient opposé les professeurs de sciences économiques et sociales (SES), retranchés dans leur forteresse lycéenne, à une coalition hétéroclite. Celle-ci regroupait des représentants de l'économie réelle (lire : des patrons), des hommes politiques et intellectuels réformateurs (lire : de droite), et des économistes universitaires (lire : des mandarins). En gros, on reprochait aux profs et plus encore aux manuels de SES d'ignorer le fonctionnement du marché et des entreprises, et de truffer la tête des élèves de récriminations anticapitalistes. En gros, aussi, les profs de SES soupçonnaient leurs critiques de vouloir les mettre au pas au nom de l'idéologie ultralibérale. C'était mal parti, et il a fallu tout le doigté de Roger Guesnerie, chargé en 2008 d'une mission d'audit sur les manuels et les programmes de SES, pour apaiser les esprits. Mais qu'ils le soient à tel point, dix-huit mois plus tard, est presque incroyable. On touche à la discipline, en la rendant obligatoire pour tous en seconde et en la scindant en deux branches, sciences économiques et sociales d'un côté, économie appliquée et gestion de l'autre. Et personne ne bronche ! L'explication vient sans doute de la crise économique. Le discours politique ambiant a changé. Le président de la République lui-même fustige les excès du capitalisme et de l'argent fou. La vulnérabilité des entreprises face à la récession a été exposée aux yeux de tous, les patrons sont apparus davantage comme des capitaines affrontant la tempête, moins comme des exploiteurs. Les lycées se sont ouverts davantage au monde socio-économique. Une sorte de réconciliation de tous dans l'épreuve semble avoir rendu acceptable la réforme, menée tout en souplesse par Luc [email protected] gherard
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