Un bug dans la réforme de la représentativité syndicale

La réforme de la représentativité syndicale est en train de tourner au casse-tête pour le gouvernement. Après le dialogue social dans les TPE sur lequel le patronat a refusé de négocier, obligeant l'exécutif à reprendre la main, c'est désormais la mesure de l'audience des syndicats qui pose problème.Sur le papier, l'idée paraissait pourtant séduisante. Les syndicats, soupçonnés d'être coupés de leur base, tireraient leur légitimité des urnes. La position commune d'avril 2008 sur la représentativité syndicale a donc mis fin à la reconnaissance automatique dont bénéficiaient, depuis 1966, les cinq grandes confédérations (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC). Et leur a imposé, pour continuer à exister, de recueillir au moins 10 % des voix lors des élections professionnelles dans les entreprises, 8 % dans les branches et 8 % au niveau national.Mais cette mesure de l'audience nécessite de collecter les résultats de l'ensemble des élections de comités d'entreprise ou de délégués du personnel sur tout le territoire. Et ce sur une période de quatre ans ? du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 ? pour être sûr de couvrir l'ensemble des établissements. Or, selon nos informations, 70 % des procès-verbaux envoyés par les entreprises aux directions départementales du travail en 2009 ne sont pas assez fiables pour être exploités. Certains ne sont pas suffisamment renseignés. D'autres laissent la place à plusieurs interprétations. Ainsi, lorsqu'un collège électoral a été créé pour un métier particulier, il n'est pas toujours précisé si celui-ci relève de l'encadrement ou pas. Or, cette nuance est d'importance puisque la CFE-CGC a obtenu de voir son audience calculée uniquement sur le collège cadres.couperetQuoi qu'il en soit, il sera difficile, en 2012, de faire tomber le couperet sur des organisations syndicales qui ne franchiraient pas le seuil de 8 %, sur la base de résultats non fiables. D'autant que les plus menacées par la « position commune » ? CFTC, Force ouvrière ou la CGC ? ont d'ores et déjà annoncé qu'elles n'hésiteraient pas à contester leur perte de représentativité devant les tribunaux. « Est-il acceptable de mesurer l'audience sur un nombre si dérisoire de résultats ? » s'interroge Gabrielle Simon, de la CFTC.L'enjeu est d'autant plus crucial que, hasard du calendrier dans les entreprises, 2010 s'annonce comme l'année la plus lourde en élections. Et qu'il faudra aussi, à terme, ajouter les voix des dizaines de milliers de salariés des très petites entreprises (TPE, moins de 10 salariés) aux quelque 195.000 entreprises contraintes aujourd'hui d'avoir des délégués du personnel ou un comité d'entreprise.Conscient que toute la réforme de la représentativité risque d'être vidée de sa substance, le gouvernement tente de redresser la barre. En octobre, un marché a été passé auprès de deux prestataires extérieurs, Extelia, une filiale de La Poste, et le groupe Klee. Pour un montant maximal de 9 millions d'euros sur quatre ans, ils sont chargés de mettre au point un système informatique fiable de collecte des données. Et de rattraper le retard accumulé tout au long de l'année 2009. À charge, pour eux, d'appeler les entreprises une à une pour tenter de corriger les procès-verbaux d'élections incomplets.Parallèlement, les partenaires sociaux, présents dans un Haut Conseil du dialogue social, devront trancher les questions d'interprétation de fond. Une première réunion, le 16 décembre, s'est penchée sur la question des voix de la CGC hors du collège de l'encadrement ou sur le cas spécifique des branches monoentreprises.Pour éviter la polémique avant l'heure, aucun résultat agrégé ne sera rendu public d'ici à 2013. Le temps sans doute de s'assurer que le projet Mars ? mesure de l'audience de la représentativité syndicale ? n'est pas totalement enlisé dans une montagne de procès-verbaux mal remplis?
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