Le gouvernement veut mettre au pas le régulateur des télécoms

L'indépendance de votre autorité ne doit jamais exclure le dialogue », a lancé Éric Besson mercredi soir lors de la présentation des voeux de l'Arcep, le gendarme des télécoms, aux acteurs du secteur. Le ministre de l'Industrie et de l'Économie numérique s'est défendu de vouloir instituer « une mise sous tutelle ou une remise en cause de l'indépendance » de l'Autorité. Pourtant, le projet d'imposer « un commissaire du gouvernement » auprès de l'Arcep est exactement perçu comme tel au sein de cette autorité administrative indépendante, qui n'en a été formellement avertie que mercredi matin. Punition après les tensionsLa veille, le gouvernement avait déposé un amendement d'une dizaine de lignes décrivant la mission de ce « commissaire » qui devra « faire connaître les analyses du gouvernement » et pourra exiger d'inscrire les sujets de son choix à l'ordre du jour. Cet amendement sera examiné dès ce jeudi à l'Assemblée nationale et sans doute adopté, avant de passer devant le Sénat en février. L'Arcep craint donc l'arrivée d'un agent de la DGCIS, la direction générale de l'Industrie qui dépend de Bercy, début mars. « C'est une façon de nous mettre au pas », analyse un haut fonctionnaire, qui évoque « les conséquences de plusieurs mois de tensions avec les ministères de l'Industrie et de la Consommation. » Des opérateurs télécoms avaient mis en garde leur régulateur du fait que le gouvernement n'avait pas apprécié certaines prises de position sur le déploiement de la fibre optique, sur la défense des consommateurs ou sur les fréquences mobiles. « Cela sera clairement favorable à France Télécome;lécom », s'inquiète un opérateur alternatif. Certains s'alarment du risque de pressions sur les membres de l'Arcep et de fuites d'informations sensibles dont pourrait bénéficier l'opérateur historique, encore contrôlé à 26,9 % par l'État, notamment sur des cas de règlements de différends, sur la baisse des terminaisons d'appel mobile, etc.Inflation réglementaireD'ailleurs, Éric Besson a invoqué mercredi soir la nécessité d'une « étroite coordination entre les pouvoirs de l'Autorité et ceux du gouvernement » afin d'agir « au service de l'intérêt général et de la cohérence de l'action de l'État. » Un fin connaisseur du secteur décrypte : « le ministre tient à une politique industrielle volontariste, à la défense des champions nationaux. » Il était contre l'attribution de la quatrième licence mobile à un nouvel entrant : « Free n'aurait pas obtenu la licence avec un commissaire gouvernemental à l'Arcep », estiment de nombreux observateurs. Le ministre s'est dressé en porte-parole des acteurs régulés mercredi soir en pointant « l'inflation réglementaire » subie par les opérateurs qui font aussi face « au ralentissement de leurs revenus ». L'Arcep se sent d'autant plus dans le viseur du gouvernement que son homologue de l'audiovisuel, le CSA, ne se voit pas imposer de commissaire, alors que le rapport Dosière-Vanneste, cité dans l'amendement, préconise la généralisation de ce dernier à toutes les Autorités administratives indépendantes. Le régulateur français des télécoms deviendrait le seul des 27 pays de l'Union à compter un commissaire « politique ». Ironie de l'affaire, le gouvernement veut faire voter cet article dans le texte transposant deux directives européennes qui garantissent l'indépendance des régulateurs nationaux des télécoms qui « ne sollicitent ni n'acceptent d'instruction d'aucun autre organe ».
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