L'OCDE veut révolutionner la fiscalité internationale des entreprises

Même si le terme n’est pas utilisé, c’est une véritable révolution fiscale que préconise l’OCDE, par la voix de Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’organisation internationale. Une révolution qui pourrait s’étaler sur deux ans –un laps de temps relativement court eu égard à l’ampleur de la tâche envisagée.De quoi s’agit-il ? Pas moins que de revoir les bases de la fiscalité internationale applicable aux sociétés, comme le développe le rapport intitulé « Lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices » que l’OCDE publie aujourd’hui, et qui sera présenté au G20 de Moscou, ce week-end. Cette fiscalité repose sur des bases élaborées au cours des années 1920, qui s’avèrent largement dépassées, à l’heure des « chaînes de valeur » (multiplication des zones de production pour la fabrication d’un seul produit) et de l’économie numérique. L’OCDE – qui regroupe la plupart des pays industriels) reconnaît –enfin, pourrait-on dire- que l’évasion fiscale internationale représente un vrai problème.Sous la pression des opinions publiques, les gouvernements veulent agirLes « débats » qui ont émaillé la campagne électorale de 2012, certains candidats mettant en avant la très faible taxation des grandes entreprises en regard de la relativement forte imposition des PME ne sont pas que franco-français. On les a vus se développer en Grande Bretagne –mise en accusation de Starbucks, Google-, mais on les retrouve aussi dans la plupart des pays industriels ou même en passe de le devenir (comme au Brésil…).Sous la pression des opinions publiques, la volonté politique est forte, aujourd’hui de mettre fin à l’évasion fiscale, au transfert des profits dans des pays à faible imposition, que pratiquent les grandes entreprises internationales, soulignent les responsables de l’OCDE, qui voient là un atout pour faire avancer les réformes. Ils tablent sur le soutien de la plupart des gouvernements des Etats de l\'OCDE.Dramatiser le sujetIls n’hésitent pas, du reste, à dramatiser le sujet : « ce qui est en jeu, c’est l’intégrité du système de l’impôt sur les bénéfices des sociétés » (qui représente grosso modo des recettes fiscales équivalent à 3% du PIB, dans les pays industriels), peut-on lire dans le rapport. Et d’élever le débat : « toute absence de réponse contribuerait à saper davantage la concurrence, car certaines entreprises, par exemple celles qui exercent leurs activités par-delà les frontières et qui ont accès à des compétences fiscales sophistiquées, pourront mettre à profit les possibilités d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices et jouiront ainsi d’avantages concurrentiels non prévus par rapport aux entreprises exerçant principalement à l’échelle nationale ». Ce qui pose un problème d’équité, mais pas seulement : « une telle absence (de réponse) risque d’aboutir à une inefficience de l’allocation des ressources sous l’effet d’une distorsion des décisions d’investissement qui aboutirait à privilégier les activités présentant les taux de rendement avant impôt les plus faibles, mais les taux de rendement après impôt les plus élevés. Enfin, si d’autres contribuables (notamment les citoyens ordinaires) pensent que les entreprises multinationales peuvent, en toute légalité, échapper à l’impôt sur les bénéfices, cela va saper la discipline volontaire de tous les contribuables, dont dépend l’administration moderne de l’impôt. »JP Morgan chiffre l\'écart de taxationLes contribuables n’auraient pas tort de penser que les grandes entreprises échappent pour partie à l’impôt. Si des études françaises ont pu être contestées par le monde de l’entreprise, l’OCDE met en avant un rapport américain établi par la banque JP Morgan en 2012. Il compare les impôts des entreprises multinationales riches en propriété intellectuelle et ceux des entreprises dont le modèle d’activité se limite principalement au territoire des États-Unis. Selon ce rapport, au total, les multinationales enregistrent un taux effectif d’imposition de 22.6 % en moyenne sur 10 ans. Les entreprises à rayonnement national affichent un taux effectif d’imposition de 36.8 % sur la même période.Comment faire pour mettre fin à cette situation ?« Pour s’attaquer au problème de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfice qui, fondamentalement, est causé par l’interaction d’ungrand nombre de facteurs, il est nécessaire d’élaborer rapidement un plan d’action global » affirme le rapport. « Un tel plan aurait pour principal objectif de donner aux pays les instruments nationaux et internationaux leur permettant de faire mieux coïncider leurs droits d’imposition avec l’activité économique réelle».Deux révolutionsLes responsables de l’OCDE précisent cette affirmation : il faut mettre fin à une approche bilatérale de la fiscalité, qui repose sur la multiplication de conventions fiscales bilatérales signées entre deux Etats. « On peut imaginer des conventions multilatérales, négociées sous l’égide de l’OCDE, qui écrasent les conventions existantes » (dont la renégociation s’étalerait sur une dizaine d’années au moins) souligne Pascal Saint-Amans. Deux années seraient nécessaires pour établir de telles conventions multilatérales. \"La collaboration et la coordination permettront seront essentielles à la fourniture de solutions internationales exhaustives susceptibles de résoudre le problème de manière satisfaisante» ajoute sobrement le rapport. Ce multilatéralisme, cette fin de la primauté des conventions bilatérales serait une révolution. Autre changement radical d’approche : il n’est plus question de faire la chasse aux paradis fiscaux, de pourchasser les pratiques fiscales plus ou moins baroques de certains Etats ( Pays Bas, Luxembourg....) . C’est à la source, en empêchant les montages fiscaux pratiqués par les entreprises multinationales, que l’OCDE entend agir. L’organisation veut notamment « définir des règles relatives au traitement des opérations financières intragroupe, comme celles qui concernent la déductibilité des paiements ou l’application de retenues à la source ; et élaborer des solutions permettant de lutter plus efficacement contre les régimes dommageables, en prenant également en compte des facteurs tels que la transparence et la substance ».   
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