Bras de fer entre l'Espagne et le «Financial Times »

Le « Financial Times » fait-il la pluie et le beau temps en Espagne ? Le très influent quotidien économique britannique est en tout cas au coeur d'une polémique, accusé par une partie de la classe politique espagnole d'attiser la crise sur l'euro et de mettre dans un même sac Grèce et Espagne. José Blanco, ministre des infrastructures mais aussi une figure politique importante du parti socialiste espagnol, a porté une nouvelle estocade cette semaine.« Rien de ce qui arrive (...), y compris certains éditoriaux étrangers, n'est fortuit et innocent. Tout répond à un objectif et c'est pour cela que je dis que les commentaires apocalyptiques sur la situation économique de l'Espagne ne bénéficient pas à notre pays », a-t-il commenté. Cette attaque fait suite à la critique légèrement plus voilée du Premier ministre espagnol lui-même, José Luis Zapatero, qui avait dénoncé l'inquiétude attisée par « les analystes prescripteurs d'opinion sur l'euro » dont la majorité « viennent de pays d'autres monnaies ».Voyage à LondresLe conflit était jugé suffisamment important pour que la ministre de l'Économie, Elena Salgado, qui ne maîtrise pourtant presque pas l'anglais, fasse cette semaine un aller-retour d'urgence à Londres pour rencontrer la rédaction en chef du quotidien financier. Ce qui lui a valu un retour de service de James Mackintosh, le journaliste à la tête des pages opinions du célèbre quotidien, qui affirme sur son blog : « Il faut se calmer. Les médias ne font que relayer le message des marchés. » L'opération pare-feu d'Elena Salgado a cependant en partie fonctionné : l'éditorial du « Financial Times » le lendemain avertissait des risques d'un plan d'austérité trop rapide en Espagne, très loin des craintes d'un dérapage budgétaire.L'hypersensibilité espagnole aux commentaires du « Financial Times » remonte à plusieurs années. L'an dernier, le quotidien avait créé, comme réponse aux « Bric », l'acronyme « Pigs » désignant le Portugal, l'Italie, la Grèce et l'Espagne (Spain). Le jeu de mot (« Pig » signifie cochon) n'avait pas plu à Madrid et l'ambassade à Londres râle régulièrement (« off the record ») contre les attaques du quotidien aux pages saumon.Bouc-émissaireLa raison de cette colère est en grande partie historique. « Notre pays a été fermé pendant quarante ans, et nous sommes désormais très chatouilleux sur ce qui est dit sur nous à l'étranger, témoigne Eduardo Suarez, correspondant à Londres du quotidien El Mundo. Mais les Espagnols donnent probablement trop d'importance à ce que dit le Financial Times par rapport à sa vraie influence. »Jimmy Burns, ancien correspondant du « Financial Times » en Espagne et désormais journaliste freelance, confirme. « C'est complètement absurde de parler d'une conspiration : le Financial Times couvre la crise économique, mais accuser ce quotidien revient à en faire un bouc émissaire. » Il va même plus loin : « Cela me rappelle l'époque de Franco, où dénoncer une conspiration de l'étranger était la réaction immédiate à chaque problème. » Les démons de l'histoire espagnole sont donc venus s'échouer jusqu'à Southwark Bridge, sur les rives de la Tamise, là où est implanté le siège du quotidien britannique.
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