Internet, nouveau baromètre des droits de l'Homme

La livraison 2010 du rapport annuel sur la situation des droits de l'homme dans 194 pays, publié jeudi par le département d'Etat américain, ne va pas contribuer à détendre les relations diplomatiques entre Pékin et Washington. L'accueil il y a quelques semaines à la Maison Blanche du Dalaï Lama, le leader spirituel tibétain, par le président Barack Obama avait entraîné une protestation et une mise en garde du gouvernement chinois, déjà contrarié par la signature d'un contrat avec Taiwan portant sur la livraison de matériel militaire américain pour un montant de plusieurs millions de dollars. Blogueurs incarcérésDans le chapitre consacré à la Chine, en effet, le rapport souligne que le respect de ces droits ne s'est pas amélioré en 2009, voire s'est détérioré. Il pointe en particulier les violences exercées dans la région du Xinjiang contre les minorités ethniques, notamment les Ouïghours de religion musulmane. Le département d'Etat insiste sur les problèmes liés à la liberté d'expression dans le pays. "Au cours de l'année, le gouvernement a accru la censure et la manipulation de la presse et d'internet lors de dates anniversaires sensibles." 2009 était le 20e anniversaire des manifestations de la Place Tiananmen réprimées dans le sang. Nombre de blogueurs critiques à l'égard du régime communiste ont été incarcérés. C'est le cas de Wu Baoquan qui en juillet a été condamné à 18 mois de prison. Selon le rapport, qui cite Reporters sans frontière, 30 journalistes et 68 cyberdissidents croupissent en prison.Le rapport américain remarque que les radios qui peuvent être écoutées via Internet comme la BBC, Voice of America ou encore Radio Free Asia et Radio France Internationale, qui bénéficient de larges audiences dans le pays, font l'objet de blocages fréquents des autorités. L'enjeu est d'autant plus important que le nombre d'internautes chinois est en pleine expansion. En 2009, il s'élevait à 338 millions. En 2008, les autorités ont fermé l'activité de quelque 14.000 sites illégaux. Le gouvernement emploie plusieurs centaines de personnes pour traquer tout contenu critique à l'égard du régime, pornographique, violent, frauduleux, mais encourage aussi la délation auprès du public.La menace de GooglePékin a réagi vendredi à la publication du rapport en critiquant notamment "l'hypocrisie des Etats-Unis". "Au moment où le monde souffre d'un grave désastre sur le plan des droits de l'homme, causé par la crise financière mondiale provoquée par la crise des subprimes américaine, le gouvernement américain ignore toujours ses propres problèmes graves en matière de droits de l'homme et se réjouit d'accuser d'autres pays", répond le Bureau d'information du Conseil des Affaires d'Etat. Internet est l'objet d'un bras de fer entre le deux pays depuis que les patrons du moteur de recherche américain Google ont menacé en janiver de se retirer de la Chine, après avoir subi des attaques de cyberpirates. Sur ce point, le Bureau d'information rappelle que toute entreprise étrangère doit se conformer à la législation locale. "Si vous ne respectez pas la législation chinoise, vous en subirez les conséquences", a ainsi menacé à l'adresse de Google le ministre chinois de l'Industrie et des Technologies Li Yizhong.Dialogue de sourdsMais les autorités de Pékin risque d'avoir encore du fil à retordre avec le Web. Vendredi, sur proposition du magazine Wired, soutenu par onze personnalités, Internet a été nominé pour l'attribution du Prix nobel de la Paix en raison de la contribution du réseau à la promotion du dialogue entre les nations et à la démocratie. Pour le moment, entre Washington et Pékin, cela reste un dialogue de sourds.
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