"L'Arlésienne de la croissance japonaise, c'est la consommation"

Les nouvelles en provenance du Japon, notamment le chiffre de la croissance au deuxième trimestre, sont bonnes. Peut-on parler de réussite des \"Abenomics\" ? Pour l\'instant, la nouvelle importante, c\'est la croissance qui est passée de 2,6% à 3,8% en rythme annualisé. Ce, grâce à une meilleure prise en compte des investissements des entreprises qui progressent désormais. La consommation des ménages est ferme. Enfin, le déflateur du PIB positif, un indice très large des prix, montre qu\'on commence à sortir de la déflation. On peut donc dire que les deux premières flèches, c\'est -à-dire la politique monétaire expansionniste et la politique de relance budgétaire, commencent à porter leurs fruits.Et qu\'en est-il des réformes promises par Shinzo Abe ?Un des grands enjeux au Japon est de relancer l\'investissement. Shinzo Abe souhaite redonner aux industriels l\'envie d\'investir dans le pays. En ce sens, l\'obtention de l\'organisation des Jeux Olympiques et le plan de relance des travaux publics à hauteur de 2% du PIB par an sont des signaux positifs. Mais, du point de vue des réformes, on n\'a pas encore vu grand-chose. S\'il ne s\'agit que de dérèglementations, cela tirera sans doute un peu la croissance. Les accords de libre échange sont eux aussi utiles mais, à long terme, le temps que les marchés s\'ouvrent réellement. Dans l\'immédiat, ils vont surtout servir au gouvernement pour faire pression sur les lobbies et faire passer certaines dérégulations. Il existe des possibilités de dégager de la croissance dans le secteur agricole. En revanche, les zones franches n\'ont pas particulièrement provoqué l\'engouement des investisseurs.>> Relance japonaise : Shinzo Abe lance sa \"troisième flèche\"... un peu émousséeEn revanche, certains investisseurs fustigent la rigidité du marché du travail japonais. Shinzo Abe en avait d\'ailleurs parlé au printemps.Je ne pense pas que la rigidité du marché du travail soit un véritable argument au Japon. Shinzo Abe en a parlé parce que c\'est un libéral et qu\'il doit donner des gages au patronat. Mais ce n\'est pas une priorité. Un tiers des travailleurs japonais est précaire. C\'est bien plus que dans de nombreux pays européens. Par opposition, la part des non licenciables n\'est pas très élevée, et il existe des variables d\'ajustement importantes sur les bonus et les heures supplémentaires qui représentent un quart de la rémunération des salariés.Mais la question des salariés employés en surnombre dans certaines entreprises a quand même été un sujet…Il est vrai qu\'il y a eu jusqu\'au milieu des années 1990 un certain nombre de personnels surnuméraires dans les grandes entreprises. Beaucoup sont partis à la retraite, d\'autres ont été licenciés et ceux qui ont été gardés l\'ont été parce qu\'au Japon l\'entreprise tient un rôle social important. Autrefois, le personnel surnuméraire était aussi gardé parce que les entreprises anticipaient la reprise.L\'augmentation anticipée de la TVA pour remplir les caisses est aussi une question importante au Japon.L\'Arlésienne de la croissance japonaise c\'est la consommation. Il faut prendre en compte le fait que si l\'on a des bons chiffres de la consommation aujourd\'hui c\'est aussi parce qu\'il y a une anticipation des consommateurs avant l\'augmentation de la TVA. C\'est ce qui explique le fait qu\'elle ait progressé sur des bases solides alors que les salaires n\'ont pas augmenté. Actuellement, Shinzo Abe fait pression sur les patrons pour qu\'ils augmentent les salaires pour soutenir la consommation. Les entreprises ont des réserves de cash qu\'elles placent dans les bons du trésor japonais. Si elles acceptent de mettre ces réserves à disposition pour augmenter les salaires, alors on peut être optimistes sur l\'impact de l\'augmentation de la TVA. La loi fiscale de 2013 va dans ce sens en accordant un crédit d\'impôt aux entreprises qui augmentent de 10% leur masse salariale, soit en embauchant soit en augmentant les salaires.L\'un des arguments qui sous-tend l\'augmentation anticipée de la TVA est la consolidation budgétaire de crainte de voir les investisseurs étrangers fuir le papier japonais et les taux exploser. Est-ce un scénario auquel on peut s\'attendre ?Il est très difficile de dire ce qui est le plus probable. Sur la question de la dette, le butoir, c\'est quand la balance des transactions courantes passera dans le rouge. On ne sait pas quand cela arrivera. En ce moment, on imagine que cela pourrait arriver vers 2020. Mais il existe des moyens de gagner du temps. Il faut notamment relancer les exportations pour atteindre une balance commerciale positive. Et pour cela, le yen faible est une aide.>> Faut-il craindre une explosion de la dette japonaise?Avec ses limites... Le problème, c\'est qu\'on ne peut pas non plus compter uniquement sur la baisse du yen, parce que cela renchérit le coup des importations. Les Jeux Olympiques, en relançant l\'investissement dans les infrastructures qui ont besoin d\'être renouvelées, vont doper les importations. Ce qui rend d\'autant plus cruciale la question de l\'augmentation des exportations. La question du nucléaire est aussi essentielle. La relance des réacteurs, qui permettra la réduction de la facture énergétique, dépendra essentiellement de la manière dont le gouvernement réussira à se rendre crédible dans sa gestion de la crise à Fukushima.>> Nucléaire à l\'arrêt et yen faible, le cocktail explosif du JaponL\'affaiblissement du yen a ses limites, le redémarrage du nucléaire est incertain. Quelles sont alors les autres leviers ?Avec la reprise qui paraît relativement solide aux États-Unis, la balance des revenus japonaise sera meilleure, car une grande partie des investissements directs et financiers y est réalisée. Les Japonais regardent de plus en plus vers l\'ASEAN, qui constitue une alternative intéressante devant l\'incertitude en Chine en raison des interrogations sur sa croissance mais aussi des différends territoriaux qui ont impact réel sur les intérêts commerciaux japonais. Le Japon essaie aussi de se placer dans l\'ASEAN pour doper ses exportations car on assiste à une montée progressive de la classe moyenne. L\'Inde, où le Japon est encore très peu présent, fait aussi partie des priorités. Le but étant de stabiliser les exportations et de s\'intégrer de manière efficace dans la zone Asie.
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