L'investissement socialement responsable est devenu une auberge espagnole

L\'ISR (investissement socialement responsable) est victime de son succès. En mettant en lumière les dérives des mastodontes de la finance, la crise de 2008 avait donné un véritable coup d\'accélérateur à cette stratégie d\'investissement, basée non seulement sur des indicateurs classiques de rentabilité mais également sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Conséquence, l\'ISR représente aujourd\'hui un peu plus de 20% des actifs gérés dans le monde, selon la Global Sustainable Investment Alliance, une association chargée de promouvoir le secteur. Une proportion qui grimpe même à 49% en Europe. Chaque société de gestion - ou presque - pratique l\'ISR à sa façon Le problème, c\'est que cet essor a donné lieu à une certaine anarchie. Nombreux sont les gérants d\'actifs à faire de l\'ISR mais chacun - ou presque - le pratique à sa façon. Certains excluent de facto de leurs portefeuilles de titres les groupes pétroliers, les fabricants d\'armes et autres sociétés dont l\'activité n\'est a priori pas compatible avec le respect de l\'environnement ou les droits de l\'Homme. D\'autres gestionnaires sont moins sectaires et n\'hésitent pas à miser sur de telles entreprises, si elles ont pris des engagements forts en matière de critères ESG. L\'ISR en Europe, un « foutoir énorme » Résultat, David Czupryna, l\'un des directeurs de la société de gestion autrichienne Erste Asset Management, n\'hésite pas à qualifier l\'ISR en Europe de « foutoir énorme. » « Nous n\'agrégeons même plus les données de l\'ISR à l\'échelle de l\'Europe car cela revient à additionner des choux et des carottes », renchérit Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale du centre de recherches Novethic, filiale de la Caisse des dépôts, qui organisait ce jeudi un débat sur la nécessité d\'harmoniser les stratégies d\'investissement des acteurs de l\'ISR. L\'ISR a subi une décollecte en 2012, pour la troisième année d\'affilée Dans ces conditions, « commercialiser des produits ISR devient difficile car le grand public n\'y comprend plus rien », regrette Philippe Zaouati, président de la commission ISR de l\'Association française de gestion (AFG). De fait, d\'après un sondage réalisé voici un an par l\'institut Ipsos auprès d\'épargnants français, 30% de ceux à qui le concept d\'ISR évoquait quelque chose étaient bien en peine d\'en donner une définition précise. Pas étonnant, donc, que l\'ISR ait subi en 2012 une décollecte (de 1,4 milliard d\'euros), pour la troisième année d\'affilée. Le gouvernement réfléchit à la création d\'un label ISR uniqueAussi, « il faut sortir du flou et de l\'incompréhension qui entourent l\'ISR », insiste Philippe Zaouati, pour qui « il serait intéressant de disposer d\'un label ISR reconnu par les pouvoirs publics. » Le gouvernement y réfléchit d\'ailleurs, puisque « la création d\'un label unique et enrichi », destiné à favoriser l\'investissement responsable, figure parmi les propositions du rapport Brovelli-Drago - Molinié sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, commandé par Bercy et rendu public en juin. Pourtant, des labels ISR, il en existe déjà. Oui, mais aucun ne fait vraiment consensus. La preuve avec celui de Novethic, qui suscite une certaine polémique depuis qu\'il a durci ses critères de labellisation, en 2012, en exigeant notamment des sociétés de gestion qu\'elles prouvent que les critères ESG jouent un véritable rôle dans la composition de leurs portefeuilles. Evoquant une « évolution qui ne correspond plus à (sa) vision de l\'ISR », Amundi, le principal acteur de l\'ISR en France, a choisi depuis l\'an dernier de ne plus se faire labelliser par Novethic.
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