Déchets nucléaires : EDF et Areva piégés en Russie

Le scandale de trop ? Après des décennies de confiance relative entre les Français et le nucléaire, l'enquête diffusée ce soir sur Arte jette un nouveau et sérieux pavé dans cette relation. Elle établit que de l'uranium français retraité est stocké sur un site secret de Sibérie. L'information, révélée hier par « Libération », est confirmée par EDF et Areva, les deux acteurs français du nucléaire. Depuis au moins 1984, Areva (qui était encore à l'époque Cogema et Framatome) transporte pour le compte d'EDF jusqu'au complexe nucléaire de Seversk (ex-Tomsk-7), en Russie, de l'uranium issu de l'usine de retraitement de La Hague.L'affaire, que tout le monde fait mine de découvrir aujourd'hui, avait été révélée par Greenpeace le 26 août 1984. Un navire transportant 400 tonnes d'uranium appauvri entre Le Havre et le port de Riga avait fait naufrage en mer du Nord, en pleine guerre froide. Depuis le milieu des années 1990, 108 tonnes d'uranium appauvri arrivent chaque année de France pour être stockées sur un parking à ciel ouvert, selon « Libération ».Hier, l'émotion était contenue dans le monde politique. Noël Mamère, député Vert, a donné de la voix dès lundi sur France Info. « EDF ment, EDF (et Areva) se comportent comme des criminels écologiques, comme des voyous. » « Le secret règne en maître depuis plus de quarante ans », a-t-il martelé. Ce scandale bat en brèche les efforts proclamés d'Areva et de sa présidente Anne Lauvergeon, depuis moins d'une décennie, pour tenter de rompre cette tradition de secret français sur le nucléaire.enquête de huit mois Sur le fond, l'affaire est à la fois très compliquée techniquement et, apparemment, totalement légale. Depuis la réalisation de cette enquête de huit mois, EDF et Areva se renvoient la balle de la responsabilité. Hier, les faits semblaient un peu plus clairs. L'uranium à très faible teneur radioactive, stocké dans la plus grande opacité en Sibérie, appartient à Tenex, l'industriel russe à qui EDF a confié le « ré-enrichissement » de la matière issue du retraitement à La Hague. Détail peu connu : pour pouvoir être réutilisé dans les centrales nucléaires françaises, l'uranium retraité doit être ré-enrichi. Or Areva ne possédera la technologie ad hoc, (ultracentrifugation) qu'en 2012, dans sa nouvelle usine Georges-Besse II (GB II).De toute façon, EDF a décidé depuis 2006 de faire jouer la concurrence auprès de trois autres « enrichisseurs » : l'européen Urenco, Tenex et USEC (États-Unis), selon le document de référence d'EDF. « Même avec GB II, il nous manquera une étape technique (la conversion) qui nécessiterait un investissement de plusieurs centaines de millions d'euros à Pierrelatte, Drôme », ajoute Areva. « Nos clients japonais sont intéressés, mais EDF refuse. » En attendant, Tenex s'en charge, et les résidus issus de 2e enrichissement dorment en silence en Sibérie.
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