Trois menaces sur la reprise

oint de vue philippe brossard Économiste, président de MacroramaLa reprise économique a été plus forte et plus précoce qu'anticipé, s'amorçant dès le deuxième trimestre, alors qu'on l'attendait au mieux au troisième trimestre. Les PIB du Japon, de la France, de l'Allemagne et surtout de la Chine ont augmenté, permettant à la croissance du PIB mondial d'atteindre 0,3 % sur le deuxième trimestre, malgré le chiffre négatif des États-Unis. Dans ces chiffres, un détail surprend : dans beaucoup de pays, le déstockage s'est accéléré : la production a donc été en retard sur la consommation. Le ralentissement du déstockage devrait donc stimuler la croissance jusqu'au printemps 2010. L'indicateur avancé américain PMI industriel abonde dans ce sens, en repassant au mois d'août au-dessus de 50, niveau qui sépare la récession de la croissance pour le secteur industriel. Il semble donc garanti que l'embellie se prolongera pendant six mois. Il y a eu trois raisons principales à cette bonne surprise.1. L'emploi a reculé moins que le PIB, grâce aux politiques publiques (soutien au chômage partiel en France et en Allemagne, etc.). Ainsi la spirale baisse d'activité-baisse de revenu a été interrompue.2. La dette publique a été accrue sans compter pour financer les plans de soutien à l'emploi, au système bancaire, à la consommation ou à l'investissement.3. Il n'y a pas eu de réforme financière structurelle. Les entreprises financières ont bénéficié de la baisse des taux d'intérêt, des fonds publics fournis à des conditions avantageuses et du rebond du prix des actifs sans avoir à gérer de changement structurel dans leur organisation ou leur prise de risque.Mais ces trois facteurs favorables à la reprise de la croissance sont aussi trois germes d'une possible rechute de l'activité, selon le scénario économique du W (croissance en tôle ondulée).1. Dans les pays où l'emploi a reculé moins que le PIB, la productivité a baissé : chaque employé produit moins de PIB. C'est une perte de compétitivité par rapport aux pays où la productivité a continué d'augmenter (la Chine au premier chef). Il faudra regagner cette compétitivité : soit par une baisse directe des salaires ; soit, au niveau national, par une dévaluation par rapport aux autres pays (comme au Royaume-Uni ou aux États-Unis) ; soit, au niveau des entreprises, par une délocalisation de la production vers des pays à faibles coûts. Toutes choses qui impliquent une baisse du revenu des consommateurs mondiaux, et augurent mal de la poursuite de la reprise, au-delà d'un ou deux trimestres surtout en Europe.2. La dette publique atteindra 200 % du PIB au Japon en 2010, environ 100 % aux États-Unis et dans la zone euro. Elle n'a pas posé de problème de financement dans un climat de panique des épargnants, qui ont déposé des fonds à court terme à 0 % auprès du Trésor plutôt que de les confier à une banque. Quand l'épargne refluera vers des placements auprès d'entités privées, le coût de la dette publique augmentera, et avec lui le déficit public. Les Trésors devront augmenter leur refinancement sur le marché obligataire, ce qui fera remonter les taux d'intérêt à long terme, créant la menace d'un effet boule de neige de la dette. Au Japon, en Allemagne et en Italie où la population diminue tendanciellement, la question se pose clairement : qui paiera la dette publique in fine ? Les gouvernements affrontent un dilemme : soit s'engager dans une rigueur budgétaire qui serait fatale à la croissance ; soit s'exposer à un krach obligataire (comme en 1994), qui serait aussi fatal à la croissance, tout particulièrement au secteur immobilier.3. Le système financier international ressort peu réformé mais plus concentré de la crise. Les géants de la finance mondiale ont grossi (fusions Bank of America-Merryl Luynch, JP Morgan-Bear Stearns, BNP-Fortis, etc.). Or l'instabilité financière vient de l'existence d'entités financières gigantesques trop grosses pour faire faillite. Le modèle économique de ces géants est simple : prendre des positions sur des montants (empruntés) aussi importants que possible. Pile, les actionnaires gagnent et extraient de leurs gains quelques jetons pour le personnel (les bonus). Face, les États perdent, renflouent l'établissement en difficulté et laissent les actionnaires aux manettes de la machine à sous pour que le jeu reprenne. Ce modèle sort paradoxalement renforcé de l'affaire Lehman Brothers, qui a matérialisé le risque de faillite. Mais, outre ses limites politiques (les opinions publiques supporteront-elles longtemps cette martingale ?), ce système butera sur l'écueil de la dette publique. Les États, endettés comme ils le sont désormais, pourront-ils à nouveau jouer le rôle de prêteur en dernier ressort lors d'une crise systémique ? n
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